EN RÉSUMÉ :
Être maire ou élu local aujourd’hui est bien plus complexe qu’il y a 20 ans. Face à cette complexification de l’action publique locale, à la montée de sujets nouveaux, il est nécessaire de se former et d’être accompagné. Si la formation est un droit encadré par la loi et financé par des moyens collectifs (1), les élus et agents se forment trop peu. Il faut donc recommander certaines formules plus adaptées et attractives notamment pour les élus (2) Intégrer les enjeux de prise en compte des enjeux écologiques et sociaux dans l’action publique implique une progressivité et une constance dans les actions de formation et d’accompagnement (3). Les ressources de formations sont nombreuses pour aller plus loin (4).
Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux de sujet ?
Les élus et les agents ont de lourdes responsabilités politiques et opérationnelles, dont l’étendue et la complexité se sont accrues avec l’approfondissement de la décentralisation, l’évolution des services déconcentrés de l’État et un certain nombre de transformations sociétales. Pour y faire face, il est stratégique d’être correctement formés et d’être accompagnés dans l’exercice de ces missions.
Or, les sujets de l’effondrement du vivant, du changement climatique, de la finitude des ressources et de la vision systémique nécessitent d’être bien maîtrisés pour dépasser une compréhension superficielle des enjeux et pour éviter les solutions partielles, partiales voire contre productives.
Les enquêtes récentes mettent pourtant en évidence les lacunes de formation : 89% des décideurs locaux disent ne pas maîtriser pleinement les compétences nécessaires pour conduire la transition écologique et sont en attente de méthodes. Ils estiment aussi (93%) que la priorité est de faire évoluer les pratiques professionnelles propres aux métiers d’agents territoriaux, notamment en interne via la formation1. En effet 40% des fonctionnaires n’ont jamais reçu de formation sur la transition environnementale. Parmi ces agents, 40% relèvent de la fonction publique territoriale2.

La formation est un droit pour les élus et pour les agents et il faut l’activer !
La loi prévoit que les 509 000 élus locaux en France puissent bénéficier de deux dispositifs.
Le premier introduit en 19923, prévoit le financement des formations demandées par les élus par leurs collectivités, qui doivent budgéter annuellement un montant entre 2% et 20 % des indemnités dues aux élus. Toutes les collectivités territoriales doivent organiser, la première année du mandat suivant le renouvellement général de l’organe délibérant, une formation pour les élus qui ont reçu une délégation. Les élus sans délégation peuvent aussi bénéficier d’une formation.
Le second, le droit individuel à la formation des élus (DIFE), introduit en 2015, est financé par un fonds national alimenté par les cotisations des élus indemnisés, qui y consacrent 1% de leurs indemnités. Dans le cadre du DIFE, tous les élus, indemnisés ou non, ont droit à 20h de formation par an et adressent directement leurs demandes à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui assure sa gestion4. Alors que les collectivités ne prennent en charge que les formations liées au mandat, l’élu peut mobiliser son DIFE pour financer soit des formations liées au mandat ou sa réinsertion professionnelle.
De plus, le congé formation pour les élus salariés, fonctionnaires ou contractuels est ouvert aux salariés ou agents publics (fonctionnaire ou contractuel), exerçant un mandat local. Ce congé est de 18 jours par élu, pour toute la durée du mandat et quel que soit le nombre de mandat détenus. La collectivité contribue à la compensation des pertes de revenus subies du fait de l’exercice de ce droit à la formation. Ce congé peut être refusé par votre employeur. Dans ce cas, son refus doit être motivé et notifié. Cependant, l’employeur ne peut opposer un nouveau refus dans le cas où une nouvelle demande serait reformulée.
Par ailleurs les syndicats auxquels adhèrent les collectivités ou auxquels elles confient des compétences peuvent organiser des formations, souvent gratuites, pour leurs adhérents.
Les agents publics bénéficient aussi d’un droit à la formation professionnelle. La collectivité peut prescrire des formations obligatoires à ses agents et l’agent peut demander des formations. La collectivité doit élaborer le programme de ces formations (plan de formation) et suivre le livret individuel de formation de chaque agent.

Moins de 3% des élus se forment chaque année5 : pourquoi ? Et que préconiser pour faire mieux ?
Les obstacles à la formation des élus sont nombreux : ils doivent trouver le temps dans un quotidien déjà saturé d’obligations et d’urgences. De plus, les élus priorisent souvent d’autres sujets en matière de formation : les finances, la communication, la maîtrise du cadre juridique… Souvent, ils ont peu d’appétence pour des sessions trop théoriques sans utilité immédiate. Enfin, se former peut être perçu comme un aveu de carence, de nature à fragiliser leur légitimité.
Malgré leurs droits, peu d’élus se forment. Le non recours semble la pratique la plus répandue.
Plusieurs retours d’expérience, issus de travaux divers, permettent de préconiser les points suivants, particulièrement pour les élus :
- La formation collective entre pairs constitue la modalité de formation la plus adaptée : la parole d’un élu est souvent celle qui a le plus d’impact pour un autre élu. Cette modalité permet aussi de faire davantage coïncider l’effort de formation avec la conduite des projets concrets. C’est une forme de co-développement, ou de formation action.
- Le contenu de la formation doit mixer les formats : théoriques, échanges d’expérience, échanges de pratiques et visites d’expériences réussies…Sur les sujets environnementaux, la formation ne peut être théorique ou purement technique. Elle doit absolument faire le lien avec les dimensions sociales et économiques, car ce sont ces dimensions qui ont un impact sur les acteurs et le territoire (eau, sécheresse, inondations…). Elle doit faire une part à l’affect et à l’émotionnel des individus (mise en récit, intelligence collective…) et aux compétences de conduite du changement, de coopération et d’animation, de négociation. Elle doit aussi comporter une partie de mise en pratique, d’expérimentation directe des enjeux de la transition.
- L’impact est maximal si les vagues de formation collectives sont articulées avec les temps forts de la mandature : en début de mandat pour construire le collectif d’élus autour de ces enjeux ; au moment de la définition des priorités d’investissement et de fonctionnement (PPI), etc.
- La formation doit décloisonner : mélanger les profils élus et techniciens ; ouvrir à des partenaires…. Elle doit aussi être vue comme un moyen de rassembler et de faire du collectif.
- La formation doit amener à questionner les postures de chacun et chacune dans le rôle qu’il ou elle occupe. De nombreuses études ont montré que la coopération est un puissant levier !
- Pour les agents, ces conseils restent valables. Mais il faut aussi un portage de haut niveau et un soutien clair de la ligne hiérarchique pour sanctuariser les temps de formation. Le plan de formation doit cibler tous les agents et ne doit pas se limiter aux cadres. Il doit viser une appropriation par les agents des enjeux et doit être ancré dans la réalité du quotidien.
Notre recommandation
Rassembler l’exécutif, en tout début de mandat, pour un séminaire de travail de 1 ou 2 jours sur les sujets socio-environnementaux. Partager la connaissance des enjeux environnementaux, leur connexion avec le territoire et avec les politiques publiques de la collectivité. Créer une vision commune et interdépendante entre les élus. Renforcer la cohésion et la prise de conscience des aspects systémiques des sujets.
Selon le niveau de compétences des élus, la matinée peut être par exemple consacrée à une conférence inspirante avec un scientifique et/ou un outil type fresque (fresque du climat…), si possible adaptée au territoire et l’après midi organisée en sous-groupes pour travailler à comment intégrer quelques grands enjeux et objectifs propres au territoire dans les politiques publiques de la collectivité et les feuilles de route des élus. Il est essentiel que ces enjeux soient compris et portés par tous.
La journée peut être montée avec l’aide de spécialistes : organismes de recherche – CNRS, INRAE… (voir la fiche “travailler avec les scientifiques »), ADEME, OFB, les GREC, les labos de recherche, les universités et grandes écoles, des associations comme le Campus de la Transition …

Monter en compétence sur le sujet nécessite une action de formation progressive et continue.
a) L’auto diagnostic : une manière ludique de mesurer d’où l’on part
A l’image de cet article du journal le Monde il existe quelques ressources pour s’auto diagnostiquer. L’association la 27ème Région et ses partenaires ont inventé un quizz à vocation incitative destiné à permettre aux élus d’identifier leurs acquis en matière de transition écologique ainsi qu’à se poser les bonnes questions initiales. Au terme de cinq questions, il est possible de savoir à quel style d’élu « en transition » on correspond ! Ludique, facile, lisible, cet outil est destiné à “rassurer les élus en leur montrant que, quel que soit leur positionnement actuel, ils ont déjà au moins un pied dans la transition et à les inviter à poursuivre dans cette voie ».
Autre exemple avec l’application LudiCC disponible sur smartphone et tablette, conçue par une équipe interdisciplinaire de chercheurs, aborde la plupart des aspects du changement climatique.
b) Commencer par de la sensibilisation pour appréhender les grands enjeux
La sensibilisation peut être un bon point de départ. Il existe aujourd’hui près d’une centaine de fresques généralistes ou thématiques comme la fresque du climat, la fresque de la biodiversité, la fresque du numérique, la fresque de l’économie circulaire, la fresque des frontières planétaires… qui permettent d’appréhender en collectif et de façon ludique les enjeux environnementaux. On peut également citer l’atelier 2tonnes, permettant de lier actions individuelles et politiques publiques. Ces ateliers peuvent nécessiter un financement : droits d’utilisation et/ou rémunération d’animateurs. Il est aussi possible de former en interne pour que certains agents deviennent ensuite animateurs au sein de la collectivité.
Les jeux sérieux (serious games en anglais), sont aussi des outils de sensibilisation aux défis environnementaux. La plate-forme GAMAE (Games for agriculture, alimentation & environment), consacrée à la conception et à l’évaluation de jeux sérieux au sein de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) en recense plus de 200 en France rien que sur les questions agro-environnementales, alimentaires ou territoriales. Ces jeux permettent d’acquérir du savoir, d’expérimenter la coopération et la négociation. Ils ont aussi des impacts réels sur les pratiques. Par exemple, « GAMAE » a vu certaines solutions initialement pensées dans le jeu mises en pratique par les agriculteurs. De même que « LittoSIM », un jeu qui calcule les risques de submersion liés au changement climatique sur différents littoraux, a permis aussi à certains joueurs / acteurs de terrain de changer d’avis sur les solutions à mettre en œuvre.
Ces actions de sensibilisation peuvent être destinées à tous les personnels des collectivités, agents ou élus.
c) Enchaîner rapidement sur des formations plus solides qui intègrent des leviers de passage à l’action
Être sensibilisé est nécessaire mais insuffisant pour être compétent sur les sujets de la transition. La sensibilisation permet d’esquisser les enjeux mais n’est pas une expertise6. De plus, elle a parfois pour effet de créer aussi de l’anxiété ou du découragement face à l’ampleur de la tâche et la nature des risques. Il est donc important de passer rapidement à des formations plus solides qui intègrent des leviers de passage à l’action. C’est comme cela que la formation aura un impact sur les pratiques quotidiennes et les politiques publiques.
Ces formations demandent du temps et de l’investissement. Il ne s’agit plus de demi-journée ludique comme pour les fresques, mais des programmes vraiment élaborés et soutenus visant à :
1) Repositionner les bases des grands enjeux, dans une approche systémique
2) Appliquer les contenus aux métiers et/ou aux politiques publiques des participants. Comment faire en sorte que ma politique publique soit en cohérence avec les enjeux ? Comment intégrer ces enjeux dans ma pratique métier, entre pairs ? Par exemple, comment rénover mon patrimoine en limitant l’impact ? Comment faire de l’achat un levier de transformation socio-écologique ? Comment intégrer gérer mon matériel informatique de façon durable…?
3) Le format de formation / action permet de poser des questions sur la durée et l’opérationnalité : comment concrètement les participants ont réussi à transformer des pratiques ?
Notre recommandation
Que soient formés ensemble la chaîne de l’instruction à la décision : par exemple, le Maire, son adjoint chargé du sujet, l’adjoint aux finances, le DGS et le directeur de cabinet.
d) Pour aller plus loin : des formats mobilisateurs impactants
Les formations immersives, de type « conventions climat » sont très efficaces et mobilisatrices. Elles permettent de se rassembler, sur un temps long, en général plusieurs séances sur une année, et donc d’apprendre, de construire les réponses, de bâtir un collectif et d’avoir une approche systémique.
Il existe des structures et des cycles spécialisés qui permettent de se former ou qui peuvent permettre de monter son propre cycle de formation en s’en inspirant : cycle national de l’IHEST relatif aux transitions destiné notamment aux élus, le cycle supérieur de la transition de l’INET, le Campus de la Transition avec des formations mêlant élus et agents publics… Le département du Rhône a créé l’Académie de transition énergétique avec un cycle pour ces agents, mais aussi ses partenaires.

Aller plus loin : Les ressources existent et sont très complètes!
- Le rapport de la délégation des collectivités territoriales du Sénat fait un recensement exhaustif des formations pour les élus et les techniciens :
https://www.senat.fr/rap/r23-087/r23-087.html - Le collectif une fonction publique territoriale a recensé les formations à destination des agents publics :
http://fpte.fr/cartographie-des-formations-et-ressources-pedagogiques-sur-la-transition-ecologique/ - Le CNFPT a musclé son offre de formation sur le sujet :
https://www.cnfpt.fr/se-former/decouvrir-offres-thematiques/accelerer-transition-ecologique/national - Trouver une fresque :
https://trouverunefresque.org/ et https://wiki.climatefresk.org/?title=Les_fresques_amies et cette étude
- Enquête menée par le CNFPT auprès des dirigeants territoriaux autour de la transition écologique. ↩︎
- Enquête de la FPTE (Une Fonction publique pour la transition écologique). ↩︎
- Loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux ↩︎
- https://politiques-sociales.caissedesdepots.fr/sites/default/files/MCE_plaquette-Institutionelle_A4_2024_Accessible.pdf ↩︎
- https://igas.gouv.fr/La-formation-des-elus-locaux ↩︎
- Cette note du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est éclairante à ce sujet. ↩︎