EN RÉSUMÉ :
Cette fiche présente les leviers à disposition des élus locaux pour intervenir sur la publicité tout particulièrement pour réduire la surconsommation d’aliments gras, salés et sucrés. Il existe la possibilité de réglementer le contenu des publicités gérées par une régie publicitaire (1). Il est aussi possible de mobiliser le règlement local de publicité, notamment sur l’emplacement et le nombre des publicités (2). Enfin, le maire peut utiliser le pouvoir de police général pour encadrer le contenu des publicités (3)
Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux sanitaires et territoriaux du sujet ?
Les communes ont la légitimité et la possibilité d’agir pour diminuer efficacement la pression publicitaire à la surconsommation, notamment alimentaire. Cette fiche est centrée sur la limitation de la publicité pour les produits trop gras, trop salés, trop sucrés.
La clause générale de compétence permet aux communes de se saisir des problématiques de prévention en santé. Comme en témoigne un élu auprès du Lierre, « [la décision de réguler strictement la publicité] est partie d’une mobilisation citoyenne sur les impacts environnementaux, mais ensuite l’idée a semblé de bon sens à un public bien plus large : les impacts sur l’image des femmes par exemple, sur les paysages (en entrée de ville, c’est moche, et plus largement il y a une vision de protection du patrimoine qui s’oppose à l’omniprésence de la publicité), les enjeux de pollution lumineuse, à l’égard de la biodiversité ou pour la consommation énergétique, mais aussi pour le voisinage… 80% de la population était favorable à une régulation et 98% ne voulaient pas de publicité numérique. »
L’épidémie d’obésité se développe à une vitesse inquiétante, en France1. En 1997, cette maladie concernait 8,5 % des adultes, en 2020, ce taux a doublé pour atteindre 17 %2. Les projections indiquent qu’entre un quart et un tiers des adultes pourraient être touchés à l’horizon 2030. Le nombre croissant de personnes malades s’inscrit dans une véritable épidémie de maladies non transmissibles chroniques. Pour les personnes concernées, les complications morbides de l’obésité sont importantes et graves : risque accru de développer un diabète de type 2, pathologies cardiovasculaires, cancers, troubles psychiques, large altération de la qualité de vie, stigmatisation et discriminations…
L’obésité est étroitement liée à l’évolution de nos habitudes alimentaires, marquées par une consommation excessive d’aliments trop gras, trop salés, trop sucrés et ultra transformés3.
En 2020, l’Assurance Maladie a consacré 8,4 milliards d’euros aux soins liés à l’obésité, soit près de 4 % de l’ensemble de ses dépenses. Si la tendance actuelle se poursuit, ce chiffre pourrait dépasser les 13 milliards d’ici 20304.
Il est crucial de reconnaître que la prévention et l’accès à une alimentation de qualité ne relèvent pas seulement de la responsabilité individuelle. De nombreuses études montrent que les Français vivent dans un environnement dans lequel les comportements alimentaires néfastes sont très fortement favorisés par une pression publicitaire importante567. Les images attrayantes d’aliments trop gras, trop salés ou trop sucrés représentent une pression constante, incitant les personnes à faire des choix alimentaires néfastes pour leur santé.
Au-delà des impacts sanitaires, la régulation de la publicité peut être un levier d’amélioration de la qualité de l’environnement : limitation des nuisances visuelles et amélioration de l’aménité des lieux.
La réflexion sur la régulation du contenu des publicités peut s’étendre à d’autres thèmes correspondant aux attentes exprimées par les citoyens ou à des ambitions environnementales portées pendant la campagne électorale (publicités pour les SUV, le transport aérien, la fast fashion…). Ce type de mesure peut ainsi limiter les encouragements à une consommation parfois excessive de produits parmi les plus impactants pour l’environnement et ainsi, accompagner des transitions vers des modes de consommation plus durable.

Réglementer le contenu des publicités gérées par une régie publicitaire
La commune peut être engagée par un certain nombre de contrats faisant intervenir la mise en place d’une régie publicitaire, comme par exemple les contrats de mobilier urbain, les contrats d’édition d’un bulletin d’information municipal, ou les contrats confiant la gestion d’un équipement public contenant des espaces publicitaires (stade…). Les collectivités peuvent imposer dans ces contrats des clauses qui viendraient encadrer le recours à la publicité.
Point de vigilance : S’il est possible d’inclure de type de clause lors d’un renouvellement du contrat de régie publicitaire, une modification en cours de contrat est délicate, elle ne doit pas conduire à modifier l’économie générale du contrat, ni à fausser a posteriori les règles de la mise en concurrence.
Budget, moyens déployés : La mise en œuvre d’une telle action nécessite uniquement de prévoir des clauses appropriées dans les procédures de mise en concurrence, ou de réviser des contrats déjà signés. Le coût ne serait cependant pas tout à fait neutre pour la collectivité dès lors qu’il est probable que le co-contractant cherche à faire supporter une baisse de ses recettes (perte d’annonceurs) à la collectivité, et qu’il répercutera celle-ci dans son prix. Toutefois, dès lors qu’il n’est question que de limiter les publicités que pour certains types de produits, il est permis de penser qu’un transfert vers des publicités pour d’autres types de produits ne conduise pas à des pertes significatives.
Cas des régies publicitaires intégrées : Pour les collectivités gérant sans intermédiaire leur régie publicitaire, cette solution permettant de « filtrer » le contenu de la publicité, peut être mise en place directement, en définissant d’autres critères que le prix pour la sélection des publicités diffusées.
Fondement juridique : Code de la commande publique, notamment l’article L3-1 selon lequel « La commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale » et le principe de liberté contractuelle, également applicable aux personnes publiques. Ce cadre devrait permettre d’envisager des critères d’exclusion pour des raisons sanitaires, sociales ou environnementales. Cependant, en l’absence de jurisprudence identifiée sur de telles clauses d’exclusion, des clauses prévoyant des critères positifs (ex : proportion minimale ou exclusivité de publicités portant sur des modes de transport décarbonés, des aliments de qualité et durables au sens de la loi « Egalim »…) pourraient aussi être envisagées.
Un exemple européen : En 2019, le maire de Londres, Sadiq Khan, a interdit les publicités pour les aliments et boissons riches en graisses, sel ou sucre, sur l’ensemble du réseau transport de Londres. L’acceptabilité de cette mesure par le public londonien a été très bonne. Une consultation publique menée en mai 2018 avait montré que 82% des répondants étaient favorables à de telles mesures.
Cette mesure s’est montrée très efficace8 : une étude conduite par l’Université de Sheffield sur près de 2000 ménages pendant 10 mois a permis d’observer :
- des réductions des achats à la fois pour les produits contenant le plus de matières grasses, de graisses saturées et de sucre (les réductions les plus importantes (20%) ont été observées pour les calories provenant du chocolat et des sucreries) ;
 - pas de changement dans les achats d’autres produits.
 
Une étude montre qu’en un an seulement, cette régulation de la publicité aurait entraîné une diminution de près de 5% du nombre de personnes souffrant d’obésité dans le Grand Londres.
Un exemple de suppression du contrat de régie publicitaire : En 2014, la ville de Grenoble n’a pas renouvelé le contrat qui liait la ville à son prestataire qui assurait la gestion des espaces publicitaires, JC Decaux. Au lieu de lancer un nouvel appel d’offres pour la gestion des espaces publicitaires, la municipalité a demandé à JC Decaux de démanteler les 326 panneaux, 20 colonnes et 64 grands panneaux disséminés dans la ville. Une partie des espaces libérés a été remplacée par des arbres, tandis que les panneaux restants sont désormais dédiés à l’expression d’opinion, aux communiqués d’associations et à l’expression culturelle. La décision, portant sur tous types de publicités, était motivée non seulement par des motifs sanitaires (la réduction du stress était citée), mais par une ambition de « libérer l’espace public » et de privilégier les communications libres, culturelles et municipales9.
D’autres communes ont emprunté cette voie plus récemment, comme Mordelles, en Bretagne, considérant que « les publicités présentes sont celles des grandes enseignes et prônent auprès des populations des messages de surconsommation. Avec notre projet politique axé sur la transition, la présence de ces panneaux publicitaires incarnait une incohérence politique10 ».
- Le maire peut intégrer au sein du RLP un certain nombre de prescriptions venant encadrer l’implantation de la publicité sur la commune, par exemple en limitant le nombre et le format des dispositifs publicitaires muraux ou d’affichage numérique.
 
- Points de vigilance : Une concertation à l’échelle locale s’appuyant sur une évaluation des enjeux et impacts des mesures envisagées apparaît indispensable (évaluation des revenus générés pour la commune ou les propriétaires de terrains, des besoins des citoyens mais aussi des commerçants locaux…). En revanche, Le RLP n’a pas pour objet de réglementer le contenu des publicités, enseignes et pré-enseignes.
 
- Coût : La révision du RLP peut être effectué sans coût par la collectivité à condition que celle-ci dispose des moyens humains et juridiques pour le faire. A défaut, elle devra se faire accompagner par un prestataire.
 
- Fondement juridique : Section 2 du chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l’environnement (lien)
 
Exemples au sein d’autres collectivités :
- Nantes : Le RLP approuvé à l’unanimité en juin 2022, préserve 70% du territoire de toute publicité. Les élus ont en particulier choisi d’interdire l’affichage dans les zones naturelles et agricoles, ainsi qu’autour des écoles et collèges, de supprimer l’ensemble des panneaux de 12 m², la moitié des panneaux de 8 m², et d’abandonner l’installation de tout nouveau panneau publicitaire numérique. Cela devait entraîner la suppression de près de 1 000 supports publicitaires d’ici fin 2024, soit une réduction de 45%11.
 
- Lyon : le RLP prévoit une réduction du nombre de panneaux publicitaires d’environ 75%, des mesures spécifiques de protection des espaces de nature en ville, secteurs patrimoniaux, centres des villes et des quartiers, zones résidentielles, l’interdiction des publicités sur les toits et la limitation des tailles de panneaux. Le Tribunal administratif de Lyon a annulé, par le jugement n°2311196 du 3 juin 2025, l’interdiction générale des publicités numériques qui figurait dans le RLP12. Toutefois, ce jugement a permis de conforter d’autres dispositions (sur la taille et les horaires d’allumage) concernant même les publicités en vitrines, ce qui est un acquis en termes de jurisprudence.
 
À noter : Les publicités présentes sur les espaces privés peuvent être source de revenu, dont la perte peut constituer une source d’inquiétude légitime. Les communes peuvent aussi instituer une taxe locale sur la publicité extérieure (incluant les enseignes) par une délibération adoptée avant le 1er juillet de l’année précédant celle de l’imposition. Cette taxe peut aussi avoir tendance à limiter la pression publicitaire dans l’espace public, ou pourrait permettre de compenser partiellement, via la taxation des enseignes, une perte de revenus résultant d’un encadrement accru ou d’une interdiction de publicité.

Invoquer le pouvoir de police général pour encadrer le contenu des publicités
- Le maire peut réglementer, à l’aide des pouvoirs de police générale, le contenu des publicités diffusées sur le territoire de la commune dans l’objectif de maintenir l’ordre public, et notamment, la salubrité publique.
 
- Point de vigilance : Il n’existe pas de précédent reconnaissant la possibilité de réglementer le contenu de la publicité dans un but de prévention d’atteinte à la santé publique. L’utilisation des pouvoirs de police générale pour l’interdiction de publicité pour les aliments trop gras, trop salés, trop sucrés génèrerait un risque contentieux. Mais, cela aurait, à minima, l’intérêt de faire vivre cette question dans le débat public. En tout état de cause, la mesure devrait respecter les principes applicables aux mesures de police, c’est-à-dire être nécessaire, adaptée et proportionnée. Il conviendra ainsi d’éviter toute mesure générale et absolue.
 
- Coût : Le coût d’une telle mesure prend la forme de l’adoption d’un arrêté. Le coût est donc nul, sauf à ce que le maire souhaite solliciter un accompagnement pour sécuriser au mieux la décision adoptée.
 

Aller plus loin : Les ressources existent et sont très complètes!
- Guide pratique « Publicité extérieure » de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (janvier 2024) : lien
 
- Fiches du Cerema sur le règlement local de publicité (RLP, RLPi) (juillet 2023) (lien) et sur la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) (novembre 2020) (lien)
 
- Contribution et régulation de la publicité pour une consommation plus durable, rapport IGF-IGEDD-IGAC, décembre 2024 (lien)
 
- Tribune : Obésité : inspirons-nous du Royaume-Uni et adoptons une loi Evin contre la malbouffe – L’Express ↩︎
 - Mieux prévenir et prendre en charge l’obésité en France – rapport Martine Laville. Avril 2023 ↩︎
 - Hawkes, C. Food Policies for Healthy Populations and Healthy Economies. BMJ 2012 ↩︎
 - Étude du cabinet Asterès. L’obésité en France, un coût pour la collectivité de 10,6 Milliards d’euros – mars 2023 ↩︎
 - Arcom. Rapport sur l’application de la charte alimentaire. édition 2023 ↩︎
 - Santé publique France. Juin 2020. Exposition des enfants et des adolescents à la publicité pour des produits gras, salé, sucrés ↩︎
 - Toulouse School of Economics. Pierre Dubois, Rachel Griffith and Martin O’Connell. “The Effects of Banning Advertising on Demand, Supply and Welfare: Structural Estimation on a Junk Food Market” ↩︎
 - National Institute for Health and Care Research, Advertising ban was linked to lower purchases of unhealthy food and drink, 3/08/2022 (lien) ↩︎
 - https://www.grenoble.fr/uploads/Presse/pse_fichier/41/6_746_DP_pub.pdf ↩︎
 - https://www.ville-mordelles.fr/actualites/mordelles-premiere-ville-bretonne-a-dire-non-a-la-publicite ↩︎
 - https://metropole.nantes.fr/actualites/video-la-reduction-de-la-publicite-dans-les-rues-commence ↩︎
 - https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/espace-presse/cp/2025/20250613_cp_le-tribunal-administratif-de-lyon-valide-la-majeure-partie-du-dispositif.pdf ↩︎
 
