Haut Commissariat à la Stratégie et au planSanté
Résumé :
Longtemps marginalisée, la santé environnementale s’impose aujourd’hui comme un enjeu central des politiques publiques, à la croisée de la santé publique, de l’environnement, de la justice sociale et de l’économie. Il est désormais établi que l’exposition à des facteurs environnementaux dans les pays développés cause autant de décès que le tabac.
Face à cet immense défi de santé publique, Etat et collectivités doivent agir de concert. Dans la perspective d’une fiche thématique « santé environnement » du Lierre, nous proposons de cerner les enjeux nationaux à travers cette synthèse d’un rapport très récent.
À partir de l’étude de quatre sources de pollutions majeures – les pesticides, les PFAS ou « polluants éternels », le bruit et les particules fines – le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan a publié le 29 octobre 2025 un vaste rapport proposant de renforcer la gouvernance, la connaissance, l’expertise et la réduction des risques, pour mieux protéger la santé publique.
Le rapport et sa synthèse sont à retrouver sur : Les politiques publiques de santé environnementale | Haut-commissariat à la stratégie et au plan
Résumé du rapport
Les sources de pollution sont multiples. Elles provoquent cancers, maladies métaboliques, troubles cardiovasculaires ou du sommeil. Souvent elles se combinent pour produire des « effets cocktail ».
La science progresse mais les limites à la connaissance demeurent : les liens sont complexes à établir entre exposition aux polluants et pathologies, les effets des faibles doses ou des mélanges restent mal connus. Les pouvoirs publics doivent composer avec un niveau de certitude parfois insuffisant, alors que les politiques publiques de santé environnementale requièrent des arbitrages lourds intégrant des dimensions économiques et sociales.
Ces politiques publiques de santé environnementale existent pour certaines depuis des décennies mais demeurent insuffisantes.
Si l’Union européenne encadre l’utilisation de certaines substances chimiques, les évaluations de risque peinent à intégrer la complexité des expositions. En France, le Plan national santé-environnement et ses déclinaisons régionales (PRSE) structurent l’action, mais la gouvernance est fragmentée, les moyens limités et l’évaluation incomplète. De plus, le principe de pollueur-payeur est peu appliqué.
Les effets sanitaires qui en résultent sont majeurs, avec des conséquences importantes sur la mortalité et la morbidité de nos concitoyens. Le coût économique de l’inaction est par ailleurs élevé : cancers et pathologies chroniques représentent plusieurs milliards d’euros chaque année pour l’Assurance maladie, tandis qu’une faible part des coûts de la dépollution repose sur les pollueurs, comme l’illustre le cas de l’eau potable. La dépollution mondiale des PFAS, ces « polluants éternels » émis par nos activités, se ferait à un coût supérieur au PIB mondial, alors que les preuves des risques qu’ils représentent pour la santé s’accumulent, illustrant la nécessité de renforcer les actions préventives face à des solutions curatives non soutenables.
À partir de l’étude de quatre pollutions majeures – pesticides, PFAS, bruit et particules fines dans l’air –, le rapport du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan formule plusieurs axes de réforme, autour de la gouvernance, de la connaissance, de l’expertise et de la décision, et de la réduction des risques. Ces recommandations s’appuient sur l’évaluation des politiques existantes et sur plus de soixante-dix auditions d’acteurs institutionnels, académiques et économiques.
La santé environnementale interroge directement nos choix de société.
Face aux effets majeurs de la pollution sur la santé et aux attentes citoyennes en matière de protection, elle exige une refondation des politiques publiques concernées, tant au niveau national que territorial.
Structurer l’action publique, donner à l’expertise scientifique indépendance et moyens, appliquer davantage le principe de précaution et renforcer le contrôle sont des conditions essentielles pour protéger durablement la santé des générations présentes et futures.
Le rapport présente un certain nombre de préconisations spécifiques aux quatre pollutions étudiées (air, bruit, pesticides et PFAS).
Le rapport formule de façon transversale plusieurs recommandations qui constituent autant d’axes de réforme pour permettre la décision publique malgré l’incertitude.
- Se doter d’une stratégie nationale en santé environnementale et mieux en articuler les déclinaisons territoriales.
Un pilotage interministériel de long terme permettrait de structurer les plans existants et de renforcer les plans régionaux santé-environnement, qui doivent par ailleurs être dotés de moyens adaptés. Les collectivités, déjà très mobilisées, devraient être davantage associées afin d’adopter les mesures pertinentes pour leur territoire, de traiter les inégalités territoriales et d’assurer le suivi des expositions dans le temps. - Renforcer la stratégie de recherche en santé environnementale et allouer des moyens suffisants, garantis dans le temps, à la production d’expertise. Il est nécessaire de consolider les cohortes épidémiologiques, la biosurveillance et plus largement le financement de la recherche académique. Les missions d’expertise et de financement de la recherche assurées par certains établissements publics (Anses, Ineris, etc.) doivent être soutenues. Ce soutien peut être financé en partie par une fiscalité accrue sur les activités polluantes.
- Renforcer le rôle de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pour une meilleure élaboration des politiques de santé environnementale. L’OPECST pourrait former et sensibiliser les parlementaires aux notions de précaution et de prévention, et commander des expertises collectives lorsque les données sont fragmentées. Il contribuerait ainsi à traduire les signaux faibles en politiques publiques.
- Renforcer l’aspect relatif à la santé environnementale dans les études préalables et les études d’impact.
Les procédures d’autorisation de mise sur le marché souffrent d’une insuffisante prise en compte de la littérature académique récente, d’un manque de transparence et d’une trop lente réévaluation. Il est proposé de publier le plus largement possible les études des industriels utilisées dans le cadre de l’évaluation des risques et de donner à l’Anses les moyens de réexaminer rapidement les substances en cas de nouvelles données scientifiques. Par ailleurs, les études d’impact des projets de loi devraient être renforcées, pour une meilleure analyse des alternatives, et une intégration des effets distributifs et du « fardeau sanitaire » dans la prise de décision. Ces études d’impact seraient rendues obligatoires pour les propositions de loi et comprendraient un volet relatif à la santé environnementale. Dans le cadre des projets d’aménagement, les évaluations des impacts sanitaires doivent également être développées. - Mettre en débat et rendre plus transparentes les décisions publiques. Les décisions de l’Anses devraient être discutées régulièrement à l’OPECST. Une meilleure information des citoyens et des acteurs économiques est nécessaire, ainsi qu’une sensibilisation accrue des professionnels de santé. Enfin, la mise en débat public des substances et usages (PFAS, pesticides, etc.) permettrait de développer une culture partagée du risque et de replacer la santé environnementale au cœur de la santé publique. L’organisation d’une convention citoyenne sur les politiques de santé environnementale permettrait de mieux faire connaître le sujet et de rendre transparents les processus qui sous-tendent la décision publique. Ce serait donner à la société la possibilité de faire des choix éclairés, intégrant les enjeux sociaux, sanitaires et économiques en matière de santé environnementale.
Le rapport complet et les recommandations thématiques et transversales sont à retrouver sur https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/les-politiques-publiques-de-sante-environnementale
Si ce rapport aborde très peu la dimension locale de ces enjeux (ses recommandations proposent notamment d’intégrer davantage les collectivités territoriales dans les politiques de santé environnementale et de maintenir l’objectif de réduction de la circulation des véhicules à moteur thermique en ville via des zones à faibles émissions (ZFE) ou des mesures alternatives avec un accompagnement renforcé), le sujet est très important pour les élus locaux et les agents territoriaux pour le mandat à venir.
