FNAU, Ademe et OFB
Aménagement du territoire, Biodiversité / Dossiers & Articles

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Résumé : 

Depuis la fin de l’année 2023, la Fnau, en partenariat avec l’ADEME et l’Office Français de la Biodiversité, se sont engagés dans une démarche collective pour approfondir les enjeux de la renaturation. Confronté à la complexité et à la polysémie de ce concept – qu’il s’agisse de restauration des sols, de réouverture de cours d’eau ou de recomposition de continuités écologiques – un groupe de travail rassemblant aussi une dizaine d’agences d’urbanisme, la DGALN et la FédéSCoT a d’abord œuvré à élaborer un vocabulaire partagé

Cette étude propose des pistes de réflexions pour construire, partager et mettre en œuvre une stratégie territoriale de renaturation. 

S’appuyant sur une approche élargie de la Trame verte et bleue et sur les autres processus de transition écologique à l’œuvre dans les territoires, ces réflexions sont issus de retours d’expériences concrets. Dépassant une appréhension comptable de l’objectif ZAN, les initiatives mises en avant dans ce dossier tendent avant tout à maximiser le gain écologique pour un territoire, en combinant restauration de la biodiversité et refonctionnalisation des sols. Elles reposent aussi sur une recherche d’équilibre entre densification et renaturation, en particulier dans l’évolution de certains fonciers stratégiques. 

Cette publication est organisée en 4 axes/parties qui renvoient aux enjeux d’observation et de diagnostic, de gouvernance, de planification et de mise en œuvre. 

Ce guide ambitionne ainsi de donner des clés aux collectivités et acteurs de l’aménagement du territoire dans la mise en œuvre de politiques de renaturation ambitieuses et cohérentes. 

Axe 1 : Observer pour favoriser une approche intégrée de la renaturation 

La première partie explore les outils et méthodologies permettant une évaluation plus fine, territorialisée et opérationnelle des démarches engagées sur les territoires. Ces outils croisent des critères liés à la biodiversité, au climat, à la gestion de l’eau, à la santé, au cadre de vie, etc. Ils visent à identifier de manière pertinente des zones prioritaires de renaturation et mettent en lumière l’importance de considérer ces potentiels de renaturation à une échelle et avec des données adaptées

Recommandation 1 : Favoriser une approche intégrée avec d’autres politiques comme l’adaptation au changement climatique pour mobiliser un plus large spectre de données. Pour cela il faut s’appuyer sur un diagnostic intégré sols/biodiversité/continuités écologiques/risques/eaux pluviales, pour qualifier les enjeux d’un site et penser les actions à conduire en conservant cette vision intégrée (plan d’action commun) en lien avec les plans de canopée, chartes de l’arbre, stratégies de désimperméabilisation. 

Recommandation 2 : Dépasser l’approche purement «comptable» du ZAN par une approche plus qualitative de la renaturation. Cela permet de prendre en compte des plus petites surfaces qui ne seraient pas comptabilisées dans le calcul du bilan du ZAN mais qui sont essentielles en termes de biodiversité, rafraîchissement urbain ou impact sur la santé, par exemple. 

Recommandation 3 : Privilégier l’approche cartographique en croisant les cartes des sols et autres enjeux environnementaux et celles des gisements fonciers qui permet d’identifier des zones à enjeux sur le territoire, pour la préservation de la biodiversité, la densification ou la renaturation. Il convient pour cela de s’appuyer sur les observatoires de l’habitat et du foncier, les observatoires locaux des friches, les observatoires régionaux de la biodiversité et bien entendu les agences d’urbanisme, ces structures étant en capacité de mettre à disposition des données pour aider à identifier des potentiels de renaturation

Recommandation 4 : Mettre en place des outils du type observatoire des espaces et sites renaturés pour identifier notamment les sites qui échapperont aux seuils de détection de l’OCSGE ; pour observer la renaturation il faudra des outils de lecture plus fins que l’OCSGE. Cette réflexion en amont de la planification a pour objectif de repérer au mieux des espaces en vue de les renaturer. En termes d’échelles, l’OCSGE peut être pertinent à grosse maille pour repérer des zones à enjeux à l’échelle du SCoT ou PLUi, mais à échelles plus fines les données ne sont pas les mêmes, voire même ne sont pas là ou incomplètes. 

Recommandation 5 : Compléter les croisements de données de type SIG par des analyses de sols et des observations de terrain lorsque cela est possible ou en ayant recours à des démarches d’inventaires comme les atlas de la biodiversité communale qui permettent de compléter les jeux de données déjà existantes.  

Axe 2 : Des stratégies pour animer et structurer durablement un réseau d’acteurs locaux engagés dans la renaturation du territoire

La renaturation requiert une gouvernance partagée, structurée autour de la mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux.

Cette partie explore des exemples d’actions concertées, capables de dépasser le stade de la simple consultation. Par la sensibilisation des élus et techniciens, la création de réseaux d’acteurs, et la structuration d’une véritable filière autour du végétal, les initiatives locales illustrent des stratégies territoriales d’animation à la fois ambitieuses et ancrées dans les réalités locales. Décloisonner les services, choisir une échelle d’action pertinente et identifier les leviers de pérennisation : telles sont les clés d’un passage réussi de la concertation à l’action concertée, condition sine qua non d’une renaturation réussie.

Recommandation 6 : Mettre en place un réseau d’acteurs sur la renaturation en intégrant en amont les acteurs de la mise en œuvre opérationnelle (dont pépinières, services techniques…). Cette action a notamment pour objectif de casser les silos entre les services. Elle doit inclure les services déconcentrés de l’État, les agences d’urbanisme, les services des communes… et être complétée par la réalisation d’outils pédagogiques pour expliquer les compétences de chaque acteur à toutes les échelles (du national à la plus petite échelle du projet). 

Recommandation 7 : Engager des partenariats avec des aménageurs (promoteurs, bailleurs) pour travailler la renaturation à l’échelle des projets (notamment en renouvellement urbain pour permettre de coupler les opérations de renouvellement et de renaturation). Il faut également travailler avec les acteurs du commerce pour identifier le potentiel de renaturation porté par ces acteurs commerciaux et analyser le volume de friches commerciales. Plus globalement il faut prendre en compte les gisements dans les zones d’activités. 

Recommandation 8 : Privilégier des solutions favorisant une économie circulaire des matériaux et des sols. D’abord, lors d’une opération de descellement et de démolition du bâti, la question des matériaux extraits peut se poser : des solutions existent pour éviter la simple mise en décharge, comme le tri des matériaux sur place et la réutilisation de certains d’entre eux, sur site ou pour un autre projet à proximité, avec dépollution pour ceux qui le nécessitent. Ensuite, lors d’une opération de renaturation, le fait d’avoir recours à de la terre agricole arable dite « terre végétale » au niveau de l’horizon de surface du sol peut aussi poser question, d’autant plus lorsqu’il existe des ressources pédologiques naturelles sur le site même ou à proximité. 

Axe 3 : Renaturation vs densification : comment identifier et prioriser efficacement les zones à fort potentiel de renaturation dans le cadre de la planification territoriale ?

Face aux urgences climatiques et écologiques, la renaturation s’affirme comme un levier stratégique incontournable dans les documents de planification territoriale.

Cette partie explore comment inscrire cette démarche dans les SCoT et les PLU, non pas comme une contrainte, mais comme une opportunité globale de réorienter les politiques d’aménagement vers plus de résilience écologique. En articulant renaturation et continuités des milieux, les territoires peuvent renforcer la Trame Verte et Bleue (TVB) en intégrant pleinement les enjeux liés à l’eau et à la biodiversité. Si le SCoT donne l’impulsion, c’est souvent à l’échelle de l’EPCI que se joue la mise en œuvre concrète, notamment via les OAP, les Coefficients de Biotope par Surface (CBS) ou les coefficients de pleine terre (CPT).

L’étude restitue plusieurs expériences et réalisations du Grand Paris, de Ris-Orangie et du PNR des Grands Causses. Cette partie se termine par 4 recommandations.

Recommandation 10 : Avoir une approche intégrée de la renaturation prenant en compte la fonctionnalité écologique d’un territoire (biodiversité, qualité des sols, gestion de l’eau, vulnérabilité face aux risques, adaptation au changement climatique, etc), en insistant sur la complémentarité entre les mesures et des co-bénéfices.

Recommandation 11 : Identifier les zones préférentielles de renaturation au sein des documents d’urbanisme pour assurer leur suivi et leur pérennité, et qui répondent à une stratégie globale de renaturation (allant au-delà d’une approche comptable du bilan du ZAN2). Coordonner les diagnostics SCoT et PLU(i) pour alimenter les deux démarches. En ayant des réflexions conjointes, cela permet notamment d’anticiper sur la question des financements et assurer une cohérence entre les échelles.

Recommandation 12 : Concevoir un dispositif d’évaluation qui comprend l’ensemble des composantes de renaturation pour évaluer de façon croisée les actions en faveur de la biodiversité et de la qualité des sols. Recommandation 13 Mobiliser les élus en amont par l’organisation d’ateliers de travail afin de définir les secteurs où la renaturation est à privilégier, par exemple pour rétablir des continuités écologiques urbaines. L’objectif étant de réussir à arbitrer entre densification et renaturation, notamment lors de l’élaboration d’un PLU(i). Il faut solidement encadrer, voire impulser la mutation des tissus urbains, pour être en capacité de protéger ou renaturer ce qui doit l’être.

Recommandation 14 : Traiter, si possible, au même moment toutes ces stratégies (sobriété foncière, renaturation) pour permettre un réel arbitre selon les enjeux et les opportunités. Il faut sensibiliser au fait que l’étude de densification est plus qu’une formalité mais un véritable exercice de recherche de gisements en densification et en renaturation (co-bénéfices qualité du cadre de vie). Il s’agit, par ailleurs, de pouvoir justifier pourquoi une parcelle, stratégique d’un point de vue urbain, n’est pas rendue constructible pour des raisons environnementales. Penser le lien entre renaturation et renouvellement urbain au sein des opérations de réaménagement est également essentiel. 

Axe 4 : Comment engager des actions de renaturation à toutes les échelles pour favoriser un aménagement résilient et durable

La volonté politique de renaturer les espaces urbains est de plus en plus affirmée, en réponse à l’impératif de résilience face aux changements climatiques et à l’objectif de ZAN. Pourtant, sa traduction opérationnelle sur le terrain demeure complexe. L’un des leviers souvent sous-estimé mais essentiel est la qualité des sols. Leur analyse approfondie permet d’identifier des potentiels de gain écologique et de mieux orienter les stratégies de renaturation. Une prise en compte fine des caractéristiques pédologiques et des dynamiques d’usage permet de cibler efficacement les secteurs à renaturer et l’identification de Zones Préférentielles de Renaturation, adossée à un diagnostic initial rigoureux, ouvre la voie à des stratégies territoriales écologiquement intéressantes au plus proche des réalités territoriales. 

Des démarches locales – en milieu urbain, périurbain et rural – illustrent des réponses concrètes et adaptées aux enjeux de sobriété foncière, de renaturation et de valorisation des sols. Qu’il s’agisse d’orienter les choix d’aménagement à partir de la qualité des sols, de mobiliser des outils de planification pour préserver les continuités écologiques, ou de requalifier des projets urbains par la concertation, ces expériences témoignent de l’émergence de nouvelles pratiques territoriales pour intégrer les transitions écologiques au cœur de l’aménagement des territoires.

L’étude s’intéresse à 3 retours d’expériences : 

Angers : Établir une stratégie de reconquête des espaces urbanisés intégrant la qualité des sols urbains

Rouen : La ferme de la Londe à Louviers : l’expression d’une trajectoire de sobriété engagée

Nantes : Accompagner les collectivités vers des territoires plus verts et plus vivants : les zones prioritaires à renaturer

Et de conclure par 7 recommandations.

Recommandation 15 : Identifier les partenaires publics pour connaître les financements actuels possibles pour les projets et stratégies de renaturation (département, région, État…). Identifier en complément la possibilité de co-financements par des fonds privés (mécénat, Responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), Paiements pour services environnementaux (PSE), taxonomie euro péenne…).

Recommandation 16 : Encourager des alliances foncières entre les territoires. Par exemple, avec Grand Paris Aménagement, les villes d’Aubervilliers et Saint-Dizier ont mis en place une alliance foncière avec une péréquation financière pour la construction de logements. Des alliances similaires pourraient alors être envisagées pour de la renaturation. 

Recommandation 17 : Laisser faire peut aussi éventuellement être une action de renaturation. Sur le modèle du réensauvagement, selon le diagnostic posé du sol et du foncier, il est parfois possible de ne rien faire. 

Recommandation 18 : Partir de milieux très dégradés pour les actions de renaturation, afin d’augmenter les bénéfices écologiques de l’action. Le foncier prioritaire est celui permettant d’optimiser les résultats en termes de biodiversité mais également le foncier où les acteurs sont prêts (approche par opportunité). 

Recommandation 19 : S’intéresser aux espaces publics et grands fonciers privés faiblement bâtis ou dégradés comme les parkings par exemple. Prendre en compte les surfaces de stationnements des zones commerciales et ZAE pour la renaturation (à croiser avec les enjeux de densification, mixité des fonctions et production d’énergies renouvelables). 

Recommandation 20 : Renforcer l’ingénierie au sein des territoires et travailler avec les agences d’urbanisme, pour assurer le suivi et la gestion des espaces renaturés. Le lien avec les services municipaux de gestion des espaces verts favorise une approche par le dialogue et la co-construction, pour passer d’une vision ornementale de la végétation à une vision fonctionnelle. S’appuyer sur le diagnostic initial du sol permet également bien comprendre et prendre en compte les enjeux autour de l’usage futur du site.

Recommandation 21 : Identifier et protéger les espaces renaturés pour éviter qu’ils ne soient (ré)artificialisés par la suite.

Pour aller plus loin : 

  • Amiens – Aduga (2025). Fiche schématique n° 2, collection « Concept’SCoT », Agence de développement et d’urbanisme du Grand Amiénois, www.aduga.org 
  • Angers – Aura (2025). Éclairer la stratégie de reconquête des espaces urbanisés : approche qualitative du ZAN intégrant la qualité des sols urbains, Aura, Institut Agro,Loire Angers Métropole, www.fnau.org 
  • Avignon – Aurav (s. d.). Limites et transitions : comment mieux traiter les limites et transitions pour favoriser la sobriété foncière et valoriser nos paysages ? www.fnau.org 
  • Besançon – Audab (2024). La nature en ville, n° 1/3, Observatoire des îlots de chaleurs urbains, p. 15, Audab, Ville de Besançon, Atmo BFC, www.audab.org 
  • Lorient – Audélor, par Bouteloup, H. (2024). Exploration du ZAN, ou comment faire la ville sans s’étaler – SCoT du Pays de Lorient, n° 237, Communications, Audélor, www.audelor.com 
  • Le Havre – Aurh, par Lebaillif, P. (2025). Renaturation : vers un urbanisme régénératif, Aurh, consulté 3 juin 2025 sur www.aurh.fr 
  • Île-de-France – L’Institut Paris Région, Hemminki, J. (2024). Plus d’un quart des amphibiens et des reptiles menacés d’extinction en Île-de-France, n° 1020, Note rapide Biodiversité, L’Institut Paris Région, www.institutparisregion.fr 
  • Nantes – Auran (s. d.). Renaturation : L’accompagnement de l’Auran pour des territoires plus verts et plus vivants, Agence d’urbanisme de la région nantaise, www.auran.org 
  • Rennes – Audiar (2025). Données socles pour piloter les transitions écologiques et énergétiques, p. 116, Audiar, www.audiar.org 
  • Rennes – Audiar (2025). Paysages agro-naturels du bassin de Rennes en 2050, une étude exploratoire, p. 32, www.audiar.org 
  • Rouen – Aurbse (2025). Regards n° 2, les enjeux de la résilience territoriale, Aurbse, www.fnau.org 
  • ADEME. Site Expé Urba t-ZAN, Avis d’expert la santé des sols urbains au service de l’aménagement des villes et des territoires, librairie.ademe.fr 
  • Fnau, ADEME et OFB (2024). Abécédaire de la renaturation, des définitions pour mieux cerner les enjeux de la renaturation dans le cadre du ZAN, www.fnau.org 
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