EN RÉSUMÉ :
La crise environnementale est une combinaison de phénomènes qui se complètent, s’accumulent et s’amplifient entre eux (1). Provoqués par nos activités humaines ils viennent en retour dérégler ces mêmes activités au cœur de notre quotidien : énergie, agriculture, santé, économie, etc (2). Ce sont ces perturbations qui impactent directement nos territoires (3).
Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux du sujet ?
L’année 1972 marque un tournant dans la prise de conscience sur les enjeux environnementaux. Stockholm accueille la première conférence des Nations Unies sur l’environnement et la publication du rapport Meadows nous met face à une nouvelle réalité : il ne peut y avoir de croissance infinie sur une planète aux limites physiques finies. Tout un ensemble de phénomènes naturels et structurels se rejoignent, voire s’amplifient mutuellement, pour créer les conditions d’une dégradation des conditions d’habitabilité planétaire. Les rapports des différents comités internationaux réunis pour évaluer la situation (GIEC pour le climat, IPBES pour la biodiversité) font désormais état de la dégradation continue et croissante de ces conditions d’habitabilité. Nos territoires sont aux premières loges de ces impacts.

La crise environnementale est la combinaison de phénomènes qui s’auto-entretiennent
A. Le réchauffement climatique
Il résulte de la hausse de trois gaz à effet de serre (GES) que sont le dioxyde de carbone, le méthane, et le protoxyde d’azote. Ces gaz emprisonnent la chaleur à la surface de la Terre1. Le dioxyde de carbone (CO2) a par exemple vu sa teneur dans l’atmosphère augmenter d’environ 50% depuis l’année 1800, conduisant à une augmentation moyenne de la température planétaire de +1,3°C. Ce sont les activités humaines notamment via la combustion des énergies fossiles, qui sont à l’origine de l’émission de l’équivalent de 60 milliards de tonnes CO2 en 2025. A ce rythme nous devrions atteindre une hausse de la température de +2°C d’ici 2050 et +4°C d’ici la fin du siècle. Les conséquences sont bien connues : inondations, sécheresses, incendies, canicules, famines, cyclones, submersions marines et érosion du littoral.
B. L’effondrement de la biodiversité
Elle se traduit par un effondrement des populations animales et végétales et par extension par une destruction des écosystèmes qui les abritent. Le WWF estime que les populations d’animaux sauvages se sont effondrées de 73% entre 1970 et 2020. Cette crise trouve son origine dans 5 facteurs d’origine humaine : la destruction des espaces naturels, la surexploitation des ressources naturelles, le réchauffement climatique, la pollution des milieux naturels (air, eau, sols), l’introduction d’espèces exotiques envahissantes.
C. Les autres limites planétaires
Le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité sont les deux sujets les plus connus d’un ensemble de dégradations environnementales qui sont interconnectées et s’alimentent les unes les autres. Le concept de limite planétaire illustre cette interconnexion entre 9 indicateurs clés que nous devons absolument préserver pour maintenir les conditions d’habitabilité de la planète.
6 de ces limites planétaires ont déjà été franchies à l’heure actuelle. Le risque est qu’à l’instar de dominos, une fois tombés il ne soit plus possible de revenir en arrière. Par exemple, en matière climatique, même si nous arrêtions nos émissions de CO2 aujourd’hui, la durée de vie des gaz à effets de serre dans l’atmosphère est telle que le changement climatique continuera encore pendant des dizaines d’années. Autre exemple : changer de modèle de production pourrait être très long, puisque cela revient à adapter tous les systèmes productifs et à renoncer aux processus nuisibles, et que cela implique des arbitrages financiers et des décisions politiques fortes dont nous sommes loin.
Il existe un consensus scientifique (le GIEC pour le climat, l’IPBES pour la biodiversité par exemple) sur la nécessité d’agir sans plus attendre. C’est pourquoi la communauté internationale s’est mise d’accord lors des accords de Paris de 2015 pour se donner l’objectif de limiter le réchauffement climatique entre +1.5°C et +2°C d’ici à la fin du siècle, ce qui implique d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Source du schéma ci-dessous : https://www.agenda-2030.fr/a-la-une/mobiliser-pour-le-developpement-durable/article/la-france-face-aux-neuf-limites-planetaires?

Cette crise environnementale impacte de nombreux secteurs d’activité
A. Elle crée une dépendance énergétique
Les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) constituent 87% de l’énergie utilisée dans le monde. Or, l’UE importe 97% de son pétrole et 90% de son gaz, ce qui la rend extrêmement vulnérable aux aléas géopolitiques. On constate en outre un “effet rebond” sur la consommation d’énergie : l’amélioration de l’efficacité énergétique de nos appareils (voiture, ordinateur…) ne se traduit pas par plus de sobriété des usages mais au contraire par une demande renforcée (des voitures plus grosses, plus d’appareils connectés…). Cet effet rebond engendre donc une hausse de la consommation d’énergie, principalement d’origine fossile et importée.
B. Elle impacte notre autonomie agricole.
Elle repose sur l’utilisation de produits de synthèse qui détruisent la biodiversité, provoquant une pollution des sols qui en diminue la capacité productive. Cela renforce par là même la dépendance des agriculteurs aux engrais pour compenser cet effet. De son côté, la crise climatique provoque des sécheresses et vagues de chaleur qui diminuent le rendement des cultures, tandis que le besoin en eau s’accroît. Notons aussi que l’agriculture moderne dépend des énergies fossiles pour la production d’engrais et le travail des sols.
C. Elle multiplie les risques de crises sanitaires.
Ainsi, la pandémie de covid-19 tire son origine de l’effondrement de la biodiversité, en rapprochant les humains grignotant toujours plus les espaces naturels d’espèces animales porteuses de virus qui y habitent et peuvent davantage nous les transmettre. La diminution de la biodiversité a également un impact sur la diffusion des maladies chroniques. La crise climatique permet elle à des espèces exotiques de s’acclimater à de nouvelles latitudes et d’envahir de nouveaux territoires, où elles n’ont pas de prédateurs, tandis que l’augmentation des chaleurs aura un impact négatif sur les populations les plus fragiles.
D. Elle pèse sur l’économie qui peine à se transformer
Le modèle de nombreuses entreprises basées sur l’abondance énergétique et l’extraction de ressources naturelles, se heurte à la contrainte physique des limites planétaires, de ressources finies et des nuisances écologiques des activités économiques dont pâtit la collectivité. La prise en charge de ces nuisances va se répercuter dans le le prix des biens et services. La compétition accrue pour les ressources et matériaux limités va également renchérir leur coût.

La crise environnementale a des impacts concrets sur nos territoires
Pour le territoire métropolitain français, le changement climatique a déjà des impacts très concrets et la question est de savoir à quelle vitesse ils vont s’aggraver.
Dans son troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3), le ministère de la transition écologique retient un réchauffement potentiel de +4°C, ce qui permet de calibrer les risques suivants :
- Les inondations, notamment par débordement. Dans un scénario de réchauffement à +4°C, les précipitations décennales (qui se produisent une fois tous les dix ans comme par exemple l’épisode de 2024 dans le Pas de Calais) se produiront 2,7 fois plus souvent. Plus d’un quart de la population française est exposée à l’aléa d’inondation. Au-delà de leurs impacts directs, les inondations ont des effets indirects comme les dommages sur les réseaux, les conséquences sur les services publics (hôpitaux, écoles, déchets…) et l’activité économique et assurantielle, conséquences qui se prolongent bien au-delà du retrait des eaux.
- Le manque d’eau. Il impacte le phénomène du retrait-gonflement des argiles et les sinistres qu’il engendre. Ce phénomène assimilable à un mouvement de terrain s’amplifie avec les sécheresses récentes et fragilise bâtiments et infrastructures, occasionnant de coûteux frais de consolidation voire de reconstruction, tout en amplifiant la crise du logement.
- Les vagues de chaleur et les canicules. Ces épisodes sont difficilement supportables en milieu urbain, là où se concentrent plus de 70% de la population française. Il n’est ainsi pas rare d’avoir un différentiel de chaleur de 3 ou 4 degrés entre le centre-ville et la périphérie. En 2050, on estime qu’il y aura en moyenne 24 nuits chaudes en France et jusqu’à 120 sur le littoral méditerrannéen. Elles auront aussi un impact sur l’agriculture. Depuis soixante ans, la surface du territoire français concernée par un épisode de sécheresse a triplé, passant de 5 à 15%. C’est d’autant plus catastrophique que les semences que nous utilisons ne pourront pas supporter la hausse des températures moyennes, étant conçues pour un rendement optimal à un certain niveau de température. Cela va donc modifier la capacité de certains territoires à faire pousser des semences jusque-là bien adaptées. Un exemple très concret peut être donné avec la viticulture, qui pourrait être profondément perturbée par le changement climatique. L’INRAE estime ainsi que le champagne sera produit dans le sud de l’Angleterre, tandis que l’Alsace produira plutôt des vins typiques de l’Italie2.
- L’assèchement des sols et des températures plus élevées. Elles fragilisent d’ores et déjà les massifs forestiers européens, par exemple dans les Vosges. Les sapins s’y dessèchent, et deviennent alors plus sensibles au scolyte, un parasite proliférant dans un environnement chaud. Le risque est aussi celui du feu de forêt. Dans les scénarios du GIEC où les émissions continuent de s’accroître, c’est 90% du territoire français qui est concerné par ce risque d’ici 2100. En 2050, la saison des feux de forêts de 2022 s’apparentera plutôt à une année calme.
- Une baisse drastique de l’enneigement dans les secteurs de montagnes. Cela touche aussi bien l’enneigement saisonnier qui permet d’exploiter des stations de sport d’hiver, que l’enneigement permanent qui contribue à la stabilité des massifs. La multiplication des effondrements de pans de montagne en est une conséquence directe (comme à Blatten en mai 2025). Par ailleurs, la disparition de la neige et des glaciers diminue la disponibilité en eau des sources de montagne et menace donc les cours d’eau qu’elles alimentent, ce qui se répercute sur les sécheresses agricoles.
- Sur les littoraux, c’est la montée du niveau de la mer qui suscite l’inquiétude avec une accélération de l’érosion et un risque accru de submersion de territoire jusque là au-dessus du niveau de la mer, ou conquis depuis des siècles. Sur le littoral atlantique et celui de la mer du Nord, des villages se préparent ainsi à devoir être reconstruits plusieurs centaines de mètres en arrière, la progression de la mer jusqu’à leur situation actuelle ne pouvant être stoppée. Certaines îles, comme celle d’Oléron, pourraient disparaître d’ici quelques dizaines d’années, tandis que la mer du Nord pourrait reprendre les terres entre Calais et Dunkerque. Le Cerema a ainsi estimé la submersion à 5000 km3 d’ici la fin du siècle.

Aller plus loin : Les ressources existent et sont très complètes!
Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques : résumé pour décideurs, IPBES, 2019
Synthèse vulgarisé du résumé aux décideurs du Rapport AR6 du GIEC sur les effets du changement climatique et l’adaptation, The Shift Project, 2022
3ème Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3), Ministère de l’Ecologie, 2025.
La France face au changement climatique : toutes les régions impactées, Réseau Action Climat, 2024.
- C’est à dire la perturbation du transfert d’énergie à la surface de la planète par rapport à la période pré-industrielle du fait du blocage des rayons solaires par des gaz à effets de serre. ↩︎
- https://www.inrae.fr/actualites/changement-climatique-vignobles-europeens-sont-plus-affectes ↩︎
- https://www.cerema.fr/fr/actualites/evaluation-enjeux-exposes-au-recul-du-trait-cote-court-moyen ↩︎