EN RÉSUMÉ :
Une campagne électorale est l’occasion de formuler librement plusieurs propositions. Comme le rapport au réel finira par s’imposer, pour soi ou ses concurrents, il est utile de savoir évaluer la faisabilité financière de son programme. Cette fiche rappelle les principaux leviers de financement des investissements des collectivités (1). Elle présente l’intérêt (2) et les modalités (3) d’analyse de la faisabilité financière des programmes. Elle rappelle enfin qu’il faudra confronter le coût global du programme envisagé avec la réalité financière et budgétaire de la collectivité (4) en soulignant les indicateurs clés à observer.
Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux du sujet ?
Les propositions formulées dans une campagne électorale relèvent du champ politique et ont surtout une valeur déclarative à ce stade. Pour s’inscrire dans la durée et devenir une véritable feuille de route de la collectivité pour la mandature, il est essentiel de veiller à leur soutenabilité financière.
Compte tenu du contexte financier des collectivités déjà contraint et probablement amené à se tendre, le chiffrage d’un programme n’est pas une simple formalité mais un outil fondamental pour une gestion réaliste et responsable. Toute bonne idée doit se confronter à la réalité de son financement et/ou des capacités de la collectivité à les assumer. Un candidat doit savoir justifier de la soutenabilité financière dans le temps de ses propositions.

Pour rappel, il existe trois leviers de financement des dépenses d’investissement d’une collectivité locale
- L’autofinancement, appelé également “épargne nette” ou fond de roulement, correspond aux excédents de sa section de fonctionnement. A niveau de recettes de fonctionnement identique, contenir les dépenses de fonctionnement permet donc d’accroître l’autofinancement. L’autofinancement représente entre la moitié et deux tiers du financement de l’investissement public local, 59 % en 2021.
- Les subventions et dotations reçues de la part de tiers : des financements extérieurs peuvent venir soutenir directement le financement d’une collectivité, en particulier :
– les subventions d’investissement versées par des tiers, par exemple une autre collectivité ou l’État ;
– des dotations d’équipement comme la dotation politique de la ville DPV), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), ou les dotations de soutien à l’investissement des départements et des communes (DSIL/DSID) ;
– le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) qui vient compenser la TVA acquittée par les collectivités sur leurs investissements des années antérieures, et dont les montants sont donc directement indexés sur les dépenses passées de la collectivité.
La part des investissements financés par ces subventions et dotations est stable dans le temps, de l’ordre d’un peu plus d’un tiers du financement des investissements des collectivités (25 Mds€ en 2021, soit 37 % des dépenses d’investissement hors emprunt).
- L’emprunt : la part des investissements financée par un flux net d’emprunt est variable d’une année à l’autre : quasi nulle en 2018 ou 2019, elle s’est élevée à 5 Mds€ en 2020 (8 % des dépenses) et 3 Mds€C en 2021 (4 %). La faiblesse relative de ce levier est liée au fait que les collectivités sont fortement encadrées par des règles contraignantes en matière d’équilibre budgétaire, qui visent précisément à les prémunir de se trouver dans des situations de surendettement.

Pourquoi analyser la faisabilité financière d’un programme ?
- Par souci d’efficacité : le programme est-il viable ? S’inscrit-il dans les capacités budgétaires de la municipalité ? Est-il soutenable pour les finances locales ?
- Par souci de programmation sur la mandature : chiffrer permet d’élaborer une stratégie budgétaire de moyen et long terme et, a fortiori, une trajectoire pour l’atteindre. Une vision pluriannuelle des dépenses est essentielle.
- Pour optimiser la recherche et l’optimisation des ressources : il est nécessaire d’identifier précisément les coûts ainsi que les potentielles recettes.
- Pour renforcer la transparence vis-à-vis des citoyens. Il permet de justifier les dépenses publiques et de rendre des comptes sur l’utilisation des fonds municipaux.
- Afin de comparer objectivement plusieurs programmes sur la base de leurs coûts et de leurs bénéfices attendus, facilitant ainsi les décisions de priorisation.

Comment chiffrer les coûts d’un programme ? Une méthodologie en 4 étapes
Etape 1 : définition du programme (ensemble des projets qui le compose)
- Objectifs précis : Quels sont les buts à atteindre avec ce programme ? Plus les objectifs sont clairs et mesurables, plus le chiffrage sera précis.
- Activités et actions : Quelles sont les actions concrètes qui seront mises en œuvre pour atteindre les objectifs ? Détaillez chaque étape et les ressources nécessaires.
- Public cible : À qui s’adresse le programme ? La taille et les caractéristiques du public cible peuvent influencer les coûts (par exemple, communication, adaptation des services).
- Calendrier et durée : Sur quelle période le programme sera-t-il mis en œuvre ? Les coûts peuvent varier en fonction de la durée (ponctuels, récurrents).
- Indicateurs de performance : Comment mesurera-t-on le succès du programme ? Ces indicateurs peuvent avoir des implications en termes de collecte de données et d’évaluation.
👉 Dans le cadre de cette analyse il convient de distinguer parmi les actions prévues au programme:
- Les actions déjà programmées par la municipalité en place
L’évaluation du coût de ces actions est plus aisée, car celles-ci ont déjà été réalisées. Il peut en effet s’agir d’un investissement pour lequel les études préalables ont déjà été menées, et donc le coût chiffré estimé ou d’une action en fonctionnement qui a déjà été réalisée et qu’il convient de poursuivre. Dans ce cas, on dispose d’éléments financiers précis issus de l’analyse financière de l’opération.
- Les actions programmées mais à adapter
La deuxième catégorie d’actions qui peuvent être intégrées au projet concerne les actions préexistantes, mais qui doivent être adaptées pour répondre à de nouveaux objectifs prévus au programme. Dans ce cas, son évaluation doit reposer sur le chiffrage initial que l’on adaptera aux nouveau(x) projet(s).
Exemple : il était prévu d’accompagner financièrement la rénovation des vitrines de dix commerces pour un coût de 50 000 €. Si, pour répondre aux objectifs du projet de territoire, il est nécessaire d’accompagner quinze commerçants, il suffit de multiplier le financement moyen accordé pourchaque commerce aux nouveaux objectifs, soit 75 000 € pour quinze commerces. Dans certains cas, l’application d’une règle de trois n’est toutefois pas viable financièrement, eu égard aux capacités de plus en plus réduites des collectivités.
Dans d’autres cas, il est risqué d’adapter le financement prévisionnel d’une opération par une méthode de ratio.
Exemple : si l’objectif du projet est de réaliser 15 km de voie verte (accessible aux piétons, aux chevaux et à tout engin non motorisé) et que préexiste un projet de chemin de randonnée sur le même itinéraire, l’étude technique et financière doit être revue pour intégrer un élargissement de la voie et une structure différente pour le revêtement de sol. Dans ce cas, on se retrouve quasiment dans la situation d’évaluer le coût d’une action nouvelle.
- Les actions nouvelles dont la méthode d’évaluation est présentée ci-dessous (étape 2 et 3).
Etape 2 : Identification des différents postes de coûts Et leur évaluation
- Coûts de personnel : Salaires et charges sociales du personnel directement affecté au programme (permanents, contractuels, vacataires) ; temps de travail des agents municipaux déjà en poste qui seront mobilisés sur le programme (même partiellement) ; honoraires de consultants ou d’experts externes ; frais de formation éventuels.
- Charges de gestion courante : Locaux (loyer, charges locatives, entretien, nettoyage) ; fournitures (bureau, matériel pédagogique, etc.) ; déplacements (frais de transport, hébergement, restauration) ; Communication et marketing (création de supports, diffusion, événements) ; Informatique et télécommunications (logiciels spécifiques, maintenance, abonnements) ; assurances spécifiques au programme frais juridiques et financiers….
- Coûts d’investissement : Acquisition de matériel et d’équipements (véhicules, ordinateurs, machines spécifiques) ; travaux d’aménagement ou de rénovation de locaux ; développement de logiciels ou d’applications spécifiques.
- Coûts de subventions ou d’aides/sujétions de service public (si délégation de service public), coût de financement si recours à l’emprunt : Montant des aides financières directes versées à des bénéficiaires (associations, particuliers, entreprises), coût des prêts, consignations ou autres dépenses liées au financement des projets
- Coûts indirects (ou frais généraux) : Une quote-part des dépenses de structure de la municipalité (direction générale, services administratifs, etc.) qui contribuent indirectement au fonctionnement du programme. L’attribution de ces coûts peut être complexe et nécessite une méthode de répartition claire.
Pour être en mesure d’évaluer chacun de ces postes, il sera nécessaire de rassembler un maximum de données (devis, tarifs, salaires, consommations historiques, etc.).
Soyez réaliste et documentez vos hypothèses. Dans certains cas, il peut être pertinent de prévoir des fourchettes de coûts (scénario optimiste, réaliste, pessimiste) pour tenir compte des incertitudes.
Présentez les différents scénarios de coûts si des incertitudes importantes existent.
👉 Cette démarche d’analyse financière pourra utilement pointer la question des nouveaux modèles économiques des projets portés dans le programme, liés aux enjeux de sobriété, c’est-à-dire en prenant en compte l’hypothèse de baisse structurelle des quantités consommées et donc des recettes et dépenses de fonctionnement : le petit cycle de l’eau en est un exemple révélateur (rénover les réseau pour éviter les fuites en grande quantité pourra permettre une économie significative des consommations d’eau mais aussi des recettes).
Etape 3 : identifier les recettes potentielles issues de ce programme
- Subventions externes : Identifiez les sources de financement potentielles (État, région, Europe, fondations) et estimez les montants attendus.
- Participations financières des bénéficiaires : Si le programme prévoit des contributions financières de la part des usagers, estimez les recettes attendues.
- Autres revenus : Vente de produits ou de services liés au programme, mécénat, etc.
Etape 4: Classer les projets en fonction de leur priorité et de leur chronologie
Il est essentiel de dégager des enveloppes annuelles en fonction des priorités qui auront été identifiées et de confronter ces choix stratégiques/politiques à leur mise en œuvre opérationnelle (durée nécessaire au lancement des projets, durée des chantiers, fréquence de renouvellement…). Un plan opérationnel et financier pluriannuel pourra ainsi se formaliser.
Il sera alors utile de réfléchir par Autorisations de programmes et Crédits de paiements (AP/CP).

Établir un diagnostic financier et budgétaire de la collectivité et le confronter au programme envisagé ?
Dès lors que ces travaux de chiffrage auront été menés, il sera nécessaire de veiller à la cohérence du programme proposé et de son calendrier de mise en œuvre avec la réalité de la situation de la collectivité. Ceci implique de savoir évaluer la situation de sa collectivité (voir fiche « Comment analyser la situation budgétaire de sa commune) .

Aller plus loin : Les ressources existent et sont très complètes!
- INET, Déchiffrer les comptes des collectivités locales : des clefs pour agir : https://www.lagazettedescommunes.com/telechargements/book_web_exe_1-1.pdf
- Banque des Territoires, Guide pratique de l’emprunt : constituer son dossier : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2024-01/GUIDE-EMPRUNT-2023.pdf