Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux du sujet ?

Connaître les compétences juridiques de sa collectivité est nécessaire mais pas suffisant. Il est utile de comprendre où se forme réellement la décision dans une collectivité. Comme le fonctionnement des instances d’élus peut assez fortement varier d’une collectivité à l’autre, la décision peut tantôt se prendre au niveau du maire ou président, au niveau du bureau (le cas le plus fréquent), au niveau des commissions thématiques, au niveau de la conférence des maires…  Cette fiche aide à décrypter ces lieux de prise de décision.

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L’exécutif et les élus ont un rôle prépondérant dans la prise de décision


A. Les pouvoirs personnels du chef de l’exécutif

Le chef de l’exécutif, que ce soit le maire dans les communes, ou le président dans les intercommunalités, départements et régions, dispose de large pouvoirs soit de par la définition qu’en donne la loi, soit de par les délégations qui lui sont concédées par l’assemblée délibérante au début de son mandat.

  • S’il ne dispose pas du pouvoir de nommer qui il veut au bureau, il peut en révoquer un membre à sa guise en lui retirant sa délégation ;
  • S’il le souhaite, il peut largement déléguer ses attributions aux adjoints ou vice-présidents et animer le bureau pour en faire une instance collective de décision et d’action ;
  • 1Il décide des dates des réunions et des sujets présentés lors des assemblées délibérantes, préside les débats, et y exerce un pouvoir de discipline (“la police de l’assemblée”). 
  • En fonction des délégations accordées par le conseil, il dispose d’un pouvoir plus ou moins large pour signer des conventions, chercher des subventions, souscrire des emprunts, engager des dépenses et prendre des actes réglementaires mais doit en rendre compte à l’assemblée lors de la séance suivante ;
  • Il supervise l’action de son administration en exerçant un pouvoir hiérarchique sur les agents à travers la direction générale des services qui est en principe alignée sur ses positions.

B. La conférence des maires et le bureau

Le bureau réunit, au niveau communal, le maire, les adjoints et conseillers délégués. Le bureau, au niveau   intercommunal, réunit le président, les vice-présidents et des membres élus en début de mandat. A chaque fois, c’est une instance non publique, d’où le fait que les principales décisions peuvent s’y prendre en amont des conseils. En intercommunalité, le bureau peut se voir déléguer des attributions par le conseil. De manière générale, l’intercommunalité, notamment à cause de son mode d’élection, impose plus de collégialité. Le bureau y est généralement moins politisé. Il est, par exemple, très rare, car politiquement compliqué, que l’intercommunalité prenne une décision concernant une commune sans l’avis favorable du maire concerné.

La conférence des maires (ou comité des maires) est propre à l’intercommunalité. Elle est rendue obligatoire par l’article L. 5211-11-3 du CGCT et est une instance consultative de coordination au sein des EPCI à fiscalité propre, sauf si le bureau inclut déjà tous les maires. Selon les intercommunalités, son rôle et sa fréquence de réunions sont très variables. Elle peut permettre de débattre dans un cadre restreint et entre décideurs des sujets d’intérêt communautaire et ce afin d’harmoniser l’action publique. Elle peut ne s’intéresser qu’aux projets stratégiques et à leur mise en œuvre.

C. L’assemblée délibérante

Dans les collectivités territoriales, nous élisons directement les membres de l’assemblée, qui choisissent à leur tour leur exécutif :  maire et ses adjoints, Président et ses vice-présidents. Au niveau communal, la liste gagnante remporte plus de la moitié des sièges, ce qui lui garantit une forte emprise sur l’action publique. 

Les conseils municipaux sont la partie la plus visible de la décision municipale, ils sont en réalité ceux qui disposent en principe du pouvoir. Ils ne sont toutefois pas toujours le véritable lieu de décision de la politique territoriale, au sens où un sujet qui y est présenté a déjà été discuté, négocié en amont et ailleurs. Le conseil est aussi le lieu d’expression des listes minoritaires qui ont rarement l’occasion de faire connaître leurs vues sur les dossiers présentés par le maire. Une pression particulière y règne dans la mesure où les séances sont publiques, retransmises et souvent suivies par la presse locale qui s’en fait l’écho. Le principal levier de blocage est le vote du budget, sa non adoption pouvant conduire à une mise sous tutelle de la collectivité. Ce mécanisme n’est que rarement mis en œuvre sauf lorsqu’un maire perd sa majorité. L’opposition dispose en principe du droit de l’interpeller sur tout sujet, selon le règlement intérieur adopté d’habitude en début de mandat, mais sa faculté est parfois réduite à des interrogations par voie écrite.  

D. Les commissions 

Il faut ici distinguer les commissions formelles des commissions informelles. Les commissions formelles obéissent à une règle de représentativité stricte : leur composition doit se fonder sur une représentation proportionnelle des groupes du conseil municipal, et donc refléter avec justesse les résultats électoraux. Il s’agit des commissions d’appels d’offre (CAO) et des commissions facultatives créées par délibération explicite du conseil municipal sur la base de l’article L.2121-22 du CGCT. 

Il existe des commissions plus informelles qui ne sont pas soumises à la règle de la représentation proportionnelle. Ce sont les commissions consultatives locales (hors cadre de l’article L.2121-22 du CGCT) créées de manière souple par le maire ou le conseil municipal, ainsi que les comités extra-municipaux : dans les deux cas, ces instances peuvent accueillir des membres extérieurs (techniciens, experts). Ce sont les instances d’information et de  débat, parfois de négociation et d’élaboration de l’action publique avec les différents groupes politiques, les séances n’étant pas publiques. Souvent, la majorité présente ses projets et délibération et un premier temps d’échange peut exister avec l’opposition, prélude de ce qui se rejouera au conseil. Elles peuvent être parfois instrumentalisées pour donner une image d’ouverture à la participation citoyenne tout en s’affranchissant des contraintes politiques de représentation. 

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Mais la décision se joue parfois ailleurs


A. Acteurs internes 

  1. Directeur de cabinet 

Le directeur de cabinet est un agent travaillant directement au service de l’élu qui l’emploie, rémunéré sur des fonds publics mais dont le contrat prend fin avec le mandat de son élu. Son rôle est de garantir la bonne tenue du projet politique de l’exécutif, de coordonner les élus et de les conseiller. Le cabinet, plus ou moins fourni selon la taille de la collectivité, porte aussi de grandes missions en matière de communication, d’événementiel et plus largement de gestion de l’agenda des élus. Dans la pratique, il dispose d’un pouvoir important pour délivrer les détails de la préparation de la stratégie des grandes décisions et de leur mise en œuvre.   

  1. Directeur Général des Services (DGS) 

Le rôle du DGS, appelé secrétaire général de mairie dans les plus petites communes, est de diriger l’ensemble des services et d’appliquer le programme de l’exécutif tout en étant garant des contraintes financières, techniques, humaines et juridiques associées à chaque acte. Il s’agit donc d’un agent public particulier, à la fois très proche conseil du politique mais soumis aux droits et devoirs de tous les agents publics. Le chef de l’exécutif peut le décharger de fonction si la confiance est rompue. Dans les plus grosses collectivités, il est secondé par plusieurs directeurs généraux adjoints membres et ils forment la direction générale. 

  1. Administration

L’administration prépare et met en œuvre les décisions de l’exécutif. Elle est dirigée par le DGS, organisée de façon pyramidale et tout agent public, quel que soit son rang dans la hiérarchie, doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf si l’ordre donné est manifestement illégal et risque de compromettre gravement l’intérêt public. Le personnel est tenu à un devoir d’obéissance et de neutralité, c’est-à-dire que ses opinions ne doivent pas interférer avec sa manière de servir. Mais les fonctionnaires territoriaux sont aussi indépendants de par leur statut, qui est censé les préserver des pressions. Il n’est ainsi pas possible de licencier un agent parce qu’il ne partage pas la ligne politique des élus. En pratique, tout peut ne pas remonter aux élus et l’administration peut disposer d’importantes marges de manœuvre pour appliquer, ou contourner, certaines des mesures souhaitées. Certains cas de figure peuvent renforcer le poids de l’administration, comme par exemple lorsque les sujets sont très techniques. Les experts ont alors une vraie latitude pour orienter les arbitrages à travers la présentation qu’ils en font et les conseils qu’ils formulent.  

  1. Les autres élus de la collectivité

Dans nombre de communes, il n’y a qu’une liste aux élections. Mais lorsque plusieurs listes sont représentées, il peut être techniquement possible aux élus sans délégation de renverser l’exécutif ou de voter contre les textes présentés par l’édile dans la mesure où ils sont majoritaires en nombre à un moment donné. Il n’en demeure pas moins que sans délégation les élus ne sont que rarement associés à l’élaboration des projets. Ils les découvrent lors des commissions ou quelques jours avant le conseil, même si la majorité des municipalités réunissent leurs troupes avant la séance pour informer sur l’ordre du jour et les sujets les plus politiques.
L’Union Nationale des Élus Locaux souligne en effet le malaise des conseillers municipaux, qui ne se reconnaissent pas dans la manière dont fonctionnent nos institutions et alerte que dans certains départements le taux de démission des élus locaux atteint les 20%2. Ils sont confrontés à un statut qui les invisibilise, le maire (ou le président) et ses adjoints concentrant des pouvoirs importants sans qu’il soit possible de lui opposer de véritable contre-pouvoir. Les séances constituent parfois des marathons avec des ordres du jour à rallonge qui imposent une rapidité dans le vote des points, un débat réduit eu égard aux enjeux. Les élus de simple rang ont du mal à se faire entendre. L’opposition ne dispose que de peu de moyens et est toujours soupçonnée de vouloir voter contre.

5. Syndicats et  organismes spécialisés auxquels la collectivité appartient 

Les collectivités territoriales peuvent mutualiser leurs moyens au sein de syndicats et de groupements de communes qui, sans disposer d’autonomie fiscale, se voient confier des compétences de manière totale (transfert) ou partielle (délégation) pour l’exercer à la place de la collectivité d’origine. Les exemples sont nombreux : déchets, transports en commun, gestion des cours d’eau (GEMAPI), de l’eau et de l’assainissement, du tourisme, de la planification urbaine … Ces organismes spécialisés constituent des pôles d’expertises dont l’avis peut différer de leurs communes membres du fait justement d’une vision plus stratégique et resserrée sur l’objet de leur existence. Ces syndicats gèrent parfois des compétences importantes et des budgets conséquents. Il peut être stratégique et utile de candidater pour y représenter sa collectivité.

B. Acteurs externes

  1. Les services de l’Etat

A travers les différents actes de la décentralisation, le pouvoir de contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales a décru. De plus, les effectifs des préfectures ont fondu depuis 20 ans, diminuant le personnel capable de conseiller les collectivités, de surveiller la mise en œuvre des normes et les actes pris par les collectivités. C’est à travers le développement des dotations à l’investissement et les appels à projets que l’Etat a repris un rôle de pilotage, orientant les dépenses vers les politiques qui lui conviennent le mieux et contraignant les collectivités à s’inscrire dans un cadre prévisionnel de leurs investissements. 

Le préfet reste néanmoins un acteur majeur dans la mise en œuvre des politiques publiques, en ce qu’il réalise le contrôle de la légalité des actes de la collectivité. Il peut ainsi renforcer les contrôles à l’égard d’une collectivité ou au contraire lui faciliter les choses avec des dérogations et un soutien renforcé de ses services. Il est par ailleurs en mesure de déposer des recours contre les actes administratifs et remettre en cause les dépenses publiques ou le budget prévisionnel (sur des problèmes de forme uniquement, pas sur l’opportunité des dépenses). Cela peut se traduire par des complications juridictionnelles, voire une prise de contrôle de la collectivité à terme. Par ailleurs, le préfet peut aussi jouer un rôle de médiation dans les conflits locaux.

  1. Les groupes d’intérêt

Le maire doit composer avec différents groupes sociaux ou d’intérêt du territoire. Certains groupes pèsent ouvertement sur le débat public, à l’instar par exemple des agriculteurs, des entrepreneurs, des motards, des chasseurs …  qui n’hésitent pas à utiliser différents moyens pour forcer la main des décideurs. 

La transition écologique impose un changement de posture et une stratégie partagée


Dans l’image d’épinal, le maire consulte, décide et l’administration applique. Pourtant les sujets de transition écologique se prêtent mal à ce schéma. Ils impliquent de “changer de  logiciel” pour au moins trois raisons :  

Les objectifs climatiques (arriver à la neutralité carbone, adapter le territoire) s’inscrivent sur un horizon de plusieurs dizaines d’années difficilement compatibles avec le besoin de résultats sur un mandat et difficilement compatibles avec des stop and go brutaux en cas de changement de majorité. ⇒ cela implique sans doute de rechercher plus de consensus, y compris avec ceux qui feront les majorités de demain  pour que tout ne soit pas remis en cause. Il semble pertinent donc de mieux associer les élus minoritaires, et de tenter de sortir d’une confrontation stérile majorité / opposition. 

La transition écologique repose sur la négociation autour de ce à quoi nous tenons, ce à quoi nous pouvons renoncer et ce qui doit être transformé pour s’adapter à la nouvelle donne environnementale. Un tel processus doit se faire en intégrant également largement les habitants y compris les plus éloignés des processus de concertation.  

⇒ Il implique de basculer une partie du pouvoir de décision aux habitants plutôt qu’aux élus. 

La transition implique une vision systémique afin de prendre des décisions cohérentes au niveau global.

⇒  Cela implique un processus de préparation d e la décision plutôt ouvert, mêlant élus, administration et divers acteurs parties prenantes pour mieux cerner les tenants et aboutissants des décisions et mieux partager les paramètres en jeu. 

  1. Dans les textes plus d’un tiers des conseillers municipaux (ou plus de la moitié dans les communes de moins de 3500 habitants) peuvent demander la tenue d’un conseil municipal sur tel ou tel sujet (article L 2121-9 du CGCT) mais dans les faits cette pratique reste rare. ↩︎
  2. https://www.unel.fr/wp-content/uploads/2023/09/2023-09-20-Dossier-Les-oublies-de-la-politique-V2bis-MEP-1.pdf ↩︎
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