Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux de ce sujet ? 

Identifier les compétences juridiques des collectivités territoriales permet d’identifier les textes qui permettent d’agir et les responsabilités propres à chaque échelon administratif, particulièrement dans le contexte de mille-feuille territorial. Cependant, il est aussi utile de réaliser que les collectivités disposent de leviers d’action plus pragmatiques pour agir. 

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Le bloc communal dispose des compétences pour agir en matière de transition écologique


A. Bloc communal

« Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune »1. Cette disposition correspond à la clause générale de compétence, c’est-à-dire la capacité pour une commune d’intervenir dans toutes les matières qui présentent un intérêt public local dès lors qu’elle n’empiète pas sur les compétences attribuées par la loi à l’État ou à une autre collectivité territoriale. Ce principe permet souvent d’intervenir dans les sujets environnementaux. 

Le développement des groupements de communes a conduit à un transfert plus ou moins large des leviers d’action communaux vers le niveau intercommunal, même si des variations peuvent exister de par les compétences facultatives transférées, le niveau d’intégration financière, les capacités budgétaires, l’étendue des mutualisations décidées par les communes membres.

Les compétences mobilisables par les communes peuvent être regroupées entre :

  • gestion d’équipements : construction et entretien des écoles élémentaires, de musées, de médiathèques, d’établissements socioculturels et sportifs ainsi que des cimetières ;
  • aménagement du territoire avec le Plan Local d’Urbanisme (voire intercommunal) et le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT), aménagement des voiries ; 
  • gestion de services publics en réseaux, services de transports ;
  • gestion des eaux pluviales, eau potable et assainissement ;
  • collecte et traitement des déchets, fibre optique ;
  • concession des réseaux gaz électricité ;
  • gestion des espaces naturels, aménagement d’espaces verts, gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations ;
  • action sociale avec les centres communaux d’action sociale (CCAS), création et gestion d’ établissements médico-sociaux (ehpad, crèches, etc.), santé publique (centres médicaux).

Ces compétences croisent d’autres leviers d’intervention plutôt situé à l’échelon intercommunal :

  • Planification de l’action à moyen terme avec le Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET), le Plan Local de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés (PLPDMA), le Programme Local de l’Habitat (PLH) ou encore le Plan de Mobilité (PDM), qui peut par exemple se décliner en schéma directeur cyclable. Ces documents servent à analyser la situation sur un secteur donné et à prescrire des actions, mais aussi des normes pour les acteurs locaux.
  • Soutien au passage à l’acte avec les espaces infos énergie, qui accompagnent les particuliers sur la rénovation énergétique. Pour aller plus loin, certaines intercommunalités mettent en place des agences locales énergie climat (ALEC) qui accompagnent différents types d’acteurs (y compris économiques) sur la diminution de leurs émissions de CO2 et la mise en place d’alternatives plus vertueuses, la recherche de financements, la mutualisation des moyens.

La mutualisation des moyens, généralement concrétisée par un schéma de mutualisation adopté à chaque début de mandat à l’initiative de l’intercommunalité, est également l’occasion de grouper des commandes pour générer des économies d’échelle ou monter en gamme. C’est d’autant plus intéressant en matière de transition écologique avec le recours à des produits généralement plus coûteux. 

Les intercommunalités elles-mêmes peuvent déléguer des compétences importantes à des syndicats mixtes de périmètre supérieur : traitement des déchets, SCOT, transports, gestion des rivières, etc. Le conseil communautaire désigne un certain nombre de représentants dans ces structures, en général lors de sa deuxième séance du mandat

B. Département et Région

La clause générale de compétence a été supprimée pour les départements et les régions : leurs attributions sont énumérées par la loi. Ils ont ainsi en gestion directe quelques équipements : 

  • les collèges (départements) et lycées (Région). Ces collectivités le construisent, les entretiennent, peuvent agir sur leur consommation d’énergie, le fonctionnement de la cantine, l’accessibilité en modes actifs, la végétalisation, la qualité du matériel utilisé, le fonds des centres de documentation.
  • les réserves naturelles (région) et espaces naturels sensibles  (département), ce qui leur permet de protéger des espaces vulnérables, tout en accompagnant le bloc communal sur l’amélioration de ses pratiques. La région est chargée de la préservation de la biodiversité.
  • Les départements gèrent les services départementaux d’intervention et de secours (les sapeurs-pompiers) en finançant les casernes, l’équipement et le matériel d’intervention. En celà, ils jouent un rôle déterminant pour la gestion des risques et l’accompagnement du bloc communal. 
  • Ils interviennent également sur la lecture publique avec les bibliothèques départementales. 
  • Ils peuvent également avoir en gestion des infrastructures de transport. Le département gère les routes départementales (35% du réseau viaire total), qui peuvent servir de base au réseau cyclable, tandis que la région s’occupe plutôt du réseau ferroviaire, des ports et des aéroports, voire de canaux. La Région pourrait ainsi influer sur les modes les plus polluants ou faciliter le recours aux transports en communs bas carbone. En Ile de France, la région est également Autorité Organisatrice des Mobilités, de sorte qu’elle supervise l’ensemble des réseaux de transports en commun ou à la demande.

Au-delà de cette gestion directe, le département a des compétences essentiellement sociales. Il supervise l’aide apportée aux personnes en situation de handicap et aux seniors, assure la prévention pour les enfants et l’allocation du RSA, s’occupe des mineurs non accompagnés. A travers ce volet social, qui mobilise quasiment 70% des dépenses de fonctionnement du département, notamment à travers les établissements médico-sociaux qu’il finance.

La Région a aussi un rôle stratégique de chef de file2 sur plusieurs des domaines fondamentaux en matière de transition écologique :  

  • L’élaboration du Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), qui fixe les objectifs et prescrit les règles en matière d’aménagement du territoire pour l’ensemble de la région. Ce document intègre également le Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE) et aboutit à la planification énergétique avec les schémas directeurs relatifs au développement des énergies renouvelables.
  • Départements et Régions sont compétents pour agir sur la maîtrise de demande en énergie, ce qui les conduit à accompagner le bloc communal sur la rénovation énergétique de l’habitat.
  • La Région est chef de file du développement économique, et peut verser des aides aux entreprises selon les principes inscrits dans le Schéma Régional de Développement Économique d’Innovation et d’Internationalisation (SRDEII) à travers lequel elle peut influer sur la réindustrialisation, le verdissement de la production, la sobriété énergétique et l’économie circulaire. A travers cet axe, les régions peuvent se prévaloir d’une compétence indirecte sur l’agriculture, d’autant qu’elles gèrent également le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et financent la chambre régionale d’agriculture.
  • La Région élabore le plan régional de prévention et de gestion des déchets3, qui fixe des objectifs et des règles pour le traitement des déchets.

C. Le mille-feuille territorial est un enchevêtrement qui devrait impliquer plus de coordination

Ces compétences sont souvent croisées voire concurrentes entre collectivités, donnant lieu à ce qu’on appelle le mille-feuille administratif. La suppression de la clause générale de compétence4 pour les départements et les régions a peu limité en pratique les possibilités d’action de ces collectivités.

Dans chaque région est instituée une conférence territoriale de l’action publique (CTAP), chargée de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ces conférences sont peu efficaces : insuffisamment représentatives et trop pléthoriques, elles ont rarement de la consistance. 

S’ajoutent les divers syndicats. Les empiètements sont encore monnaie courante, par exemple le département s’occupe du transport scolaire, aux côtés des EPCI dont certains se sont désormais saisis de la mobilité, en relais des régions, sans oublier le maire, au travers de ses pouvoirs de police. 

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Au delà des compétences juridiques, les collectivités disposent de leviers d’actions puissants pour conduire la transition écologique


A. Prendre la parole, informer et sensibiliser

Donner le cap est un vecteur puissant qui permet d’influencer les comportements, de favoriser des initiatives et d’entraîner des acteurs. 

  • Le discours des élus et l’information des habitants par les différents canaux (journal communal, réseaux sociaux…) est essentiel. Les réunions publiques et les concertations, la mise en récit sur la transition environnementale sont un puissant vecteur de changement. 
  • Les agents publics au contact avec le public effectuent un travail de sensibilisation important. Il peut s’agir des ambassadeurs du tri ou de l’eau, qui animent des ateliers et vont à la rencontre des différents acteurs, mais aussi des conseillers info énergie des agences locales de l’énergie et du climat, ou encore des conseillers en économie sociale et familiale qu’il faut familiariser avec les aspects de la transition écologique. 
  • La programmation culturelle et scientifique (bibliothèque, salle de spectacle, théâtre, festivals…)  est aussi un vecteur de diffusion de ces enjeux au plus grand nombre. 

Par exemple, la Maison d’éducation à l’alimentation durable (MEAD) de Mouans-Sartoux cherche à éduquer différents publics à l’alimentation durable, à fédérer et soutenir des acteurs locaux (notamment agriculteurs) et à améliorer l’état des connaissance via des projets de recherche action. Autre exemple, avec l’Académie du Climat de la Ville de Paris. Espace de sensibilisation,de débat et d’événementiel qui a accueilli plus d’un million de personnes depuis son ouverture en 2019. 

B. Mobiliser et soutenir les initiatives pertinentes 

La collectivité et ses élus ont aussi les capacités de mobiliser et de soutenir des mobilisations existantes. 

  • Les acteurs de la transition écologique (voir fiche « Entreprises, associations, habitants : quelles méthodes employer pour inciter les acteurs de son territoire à agir ?”)
  • Les associations : soutien par des moyens logistiques (local, mise à disposition du matériel municipal, promotion dans les médias municipaux,…) et financier via une subvention. L’organisation d’événements où elles peuvent rencontrer les habitants et recruter de nouveaux bénévoles (par ex. appel à projets éco-citoyens de la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône) (voir fiche “Mobiliser le secteur associatif”).  
  • Les entreprises et le monde économique (voir fiche “Pourquoi, sur quels sujets et comment travailler avec les entreprises de son territoire”). 
  • Les citoyens grâce aux techniques de mobilisation citoyenne (voir fiche “Comment recueillir les attentes des habitants ?”). Cette implication peut être directe ou par l’entremise de conseils participatifs ouverts aux personnes morales et leur accréditation en tant qu’expert, de manière à pouvoir collaborer ouvertement avec l’administration (par exemple la réunion publique sur la mobilité à Faux-la-Montagne).
  • Les autres niveaux de collectivité (voir la fiche sur les coopérations territoriales).
  • Les élus inspirants et les territoires qui ont engagé leur transition. Les réseaux d’élus sont de puissants leviers pour soutenir des travaux inspirants et les expériences réussies. 
  • La coopération avec des collectivités étrangères (jumelages, etc.) notamment celles concernées par d’autres problématiques du changement climatique, ce qui permet de partager des informations et de montrer la diversité des impacts, tout en favorisant la solidarité internationale (par ex. réseaux européens Energy Cities ou ICLEI Europe).

C. Inspirer par une gestion exemplaire 

« Montrer l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul » nous disait Gandhi. Ces paroles illustrent la valeur de l’exemplarité de la gestion de la collectivité sur plusieurs plans : 

  • Les marchés publics sont un des principaux leviers de la politique de transition écologique (voir fiche « Bâtir une politique d’achats durables”). 
  • Les ressources humaines de la collectivité peuvent être mises au service de la transition, par la formation des agents (voir fiche “Placer les Directions des Ressources Humaines au service de la transition écologique”). 
  • Utilisé de manière volontariste, le patrimoine bâti et foncier d’une commune est un un levier d’action puissant au service de la transition écologique (voir fiche “Gérer son patrimoine bâti »).
  • La recherche de financements externes, peut avoir un effet d’entraînement à l’échelle locale, grâce à la montée en compétences des services, l’adhésion des acteurs locaux et un gain de visibilité pour la transition écologique.

Par exemple, la ville de Lille publie en 2021 une feuille de route opérationnelle pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de la ville de 45% (par rapport aux émissions de 1990) d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Opérationnellement cela signifie une analyse systématique des moyens d’agir sur le patrimoine communal, en visant la réduction des émissions de CO2 la plus efficiente possible. La ville s’est également dotée d’une expertise interne pour réaliser le bilan carbone de ses équipements et de ses services publics, évaluer l’efficacité environnementale de son action avec un référentiel budget vert. Elle a placé le sujet de la décarbonation au coeur du management municipal. 

  1. Article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ↩︎
  2. À savoir un rôle de coordination reconnu par la loi ↩︎
  3. Sauf en Ile de France, Outre-Mer et Corse, ce document est maintenant une partie du Sraddet ↩︎
  4. C’est -à -dire le principe qui permet à la collectivité d’intervenir sur tous les sujets à condition qu’il existe un intérêt public local et que le domaine d’intervention ne relève pas d’une compétence exclusive de l’État ou d’une autre collectivité territoriale. Seules les communes peuvent désormais se prévaloir du principe de clause générale de compétence. ↩︎
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