EN RÉSUMÉ :
Une collectivité territoriale a de nombreuses raisons d’agir pour la transition écologique. Outre des arguments éthiques (1), il s’agit de protéger la population contre les effets du dérèglement climatique (2), d’améliorer la qualité de vie face à la dégradation de l’environnement (3), de faire de la transition écologique un vecteur de développement économique (4) et de s’engager dans une gestion exemplaire de ses propres services (5).
Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux du sujet ?
Contraintes budgétaires, complexité administrative, crispation de certains acteurs locaux… La transition écologique n’est pas une sinécure pour une collectivité territoriale. Individuellement, une commune ou un EPCI ne représentent qu’une part infinitésimale du pourcentage des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales. Pourtant, collectivement, les villes concentrent jusqu’à 75% des émissions de GES et ont donc un rôle considérable à jouer dans les actions de transformation des territoires en vue de leur atténuation et adaptation. Aussi il est important d’expliciter les raisons pour lesquelles une collectivité a intérêt à agir pour l’ensemble des acteurs du territoire et pour elle-même.

Les arguments éthiques : les 12 excuses de l’inaction
L’approche de cette fiche est résolument territoriale et centrée sur des raisons pragmatiques, mais il existe évidemment de bonnes raisons « globales » et éthiques pour agir. A ce titre, le média Bon Pote a compilé les « 12 excuses de l’inaction » et « comment y répondre ». Nous vous suggérons fortement sa lecture en complément de cette fiche.

Protéger la population des effets du dérèglement climatique, premier des arguments
Mettre en œuvre la transition écologique, c’est protéger l’ensemble de la population contre des risques naturels et technologiques liés au réchauffement climatique.
La catastrophe de la Bérarde en Isère a marqué les esprits en raison des images – dignes d’un bombardement – de ce hameau dévasté, dont le seul désenclavement routier coûtera près de 20 millions d’euros. Plus récemment, le village de Blatten en Suisse a été littéralement rayé de la carte. En Espagne, à Valence, les inondations de 2024 ont fait plus de 200 morts. Le changement climatique se moque de nos arguments dilatoires : il avance, entraînant avec lui des cataclysmes locaux.
Ce ne sont pas des phénomènes isolés : il suffit de consulter le recensement des risques naturels et technologiques de votre commune, en gardant à l’esprit que le changement climatique amplifie la plupart d’entre eux (voir fiche 1). Tous les territoires sont concernés. Outre les catastrophes soudaines, il y a aussi les canicules, qui font des milliers de morts, les sécheresses ou les pluies torrentielles, qui mettent à genou des agriculteurs déjà exsangues…
Pour l’avenir proche, les projections à 2030 et à 2050 sont implacables : hausse des températures et des phénomènes extrêmes pour tous pour tous et dans tous les territoires de la métropole et de l’outre-mer.
⇒ Il est donc indispensable d’adapter le territoire aux changements climatiques, tout en réduisant drastiquement les émissions de GES dans les domaines des transports, du bâtiment, de l’agriculture et de l’industrie pour que ce changement ne dépasse pas nos capacités d’adaptation immédiates. Pour ce faire, les collectivités ont de nombreux outils à leur disposition1 (voir fiche 3).

Offrir une meilleure qualité de vie à la population
La transition écologique ce n’est pas qu’une défense contre les risques écologiques, c’est aussi un formidable moteur pour offrir une meilleure qualité de vie à la population. La qualité de vie « mêle à la fois les aspirations individuelles et collectives. Elle constitue un système complexe où les réalités spatiales, sociales, économiques et culturelles se greffent aux éléments de représentation, d’appropriation et de valorisation de l’espace2. ». Parmi les principaux indicateurs de qualité de vie, on trouve notamment la santé, l’accessibilité des services, le cadre de vie perçu, la vie citoyenne… toutes dimensions pour lesquelles une action de transition écologique a des effets très positifs, comme détaillé ci-après.
A. La transition écologique c’est la santé
En moyenne, les facteurs environnementaux contribuent à environ 25% de notre état de santé, derrière les facteurs socio-économiques (45%), mais devant le système de soins, les comportements individuels et le patrimoine génétique.
Une politique en faveur des mobilités actives en milieu urbain et périurbain, c’est une population moins sédentaire3, qui est moins agressée par le bruit des transports et qui respire un air moins pollué. Or le coût social du bruit dépasse les 100 milliards d’euros par an4 en raison des pathologies et des gênes qu’il provoque. Quant à la pollution de l’air, elle provoque plus de 40 000 décès prématurés par an5 et induit d’innombrables pathologies, dont souffrent notamment les enfants6.
Une action dans la restauration collective peut atteindre plusieurs buts : réduire les émissions de CO2 par l’approvisionnement en circuit court, favoriser le développement d’une économie locale, soutenir le revenu agricole, permettre l’accès de la population à une alimentation plus saine. Créer des légumeries, faire le lien entre les acteurs de la filière de la transformation et les débouchés en restauration collective, proposer des menus plus végétaux, sont des moyens d’agir. Rappelons que l’obésité et le surpoids sont un enjeu de santé publique majeur en France7.
L’urbanisme favorable à la santé (UFS) est un autre levier d’action qui émerge8. De récentes études ont par exemple démontré l’aspect bénéfique de la nature en ville sur la santé mentale et physique9. La végétalisation et la désartificialisation des sols offrent des rues plus accueillantes, moins bruyantes et moins polluées. Elle a un impact concret sur le ressenti de chaleur des habitants en période de canicule.
Les territoires ruraux, impactés par ces sujets de pollution des sols, des nappes ou de l’air10 sont souvent précurseurs. Ainsi la commune de Langouët (600 habitants) en Bretagne, a interdit les pesticides autour des zones d’habitation, protégeant la santé des riverains et réduisant l’exposition chimique Elle a rendu l’approvisionnement de sa cantine scolaire 100% bio avec des produits locaux. Mouans -Sartoux en PACA (10 00 habitants) a fait de même et a choisi de développer une régie municipale agricole qui, engageant des agriculteurs pour produire des légumes biologiques destinés aux cantines afin de compenser le manque d’offre locale. Canet-en-Roussillon (12 000 habitants) réutilise ses eaux usées traitées pour arroser 15 000 arbres et bientôt ses cultures viticoles, afin de réduire les prélèvements dans les nappes souterraines, y compris les nappes quaternaires vitales pour l’eau potable
B. Une opportunité pour renforcer l’accès aux services jugés essentiels pour la qualité de vie
Un bon accès aux services de proximité est une des attentes majeures des Français, d’ailleurs pris en compte par l’INSEE dans son indice de la qualité de vie. Or, la transition écologique offre plusieurs leviers pour favoriser cette accessibilité. On peut notamment citer l’approche urbanistique visant à penser des quartiers intégrant plusieurs fonctions et permettant de rapprocher les services des habitants au lieu de leur imposer des trajets (souvent en voiture). Les territoires ruraux essaient de repenser l’accès aux services publics en s’adaptant aux contraintes locales en développant des permanences fixes ou mobiles comme l’exemple de “France services” où les habitants des zones déshéritées par l’accès aux services publics peuvent effectuer des démarches administratives et être accompagnés. Il y a également l’exemple de communautés de communes qui proposent des transports à la demande où les usagers sont conduits vers les zones des transports en commun et raccompagnés à leur domicile. On parle notamment de chrono-urbanisme11, dans lequel s’inscrit par exemple le concept de « ville du quart d’heure » : avoir accès, en quinze minutes de mobilité active, aux principaux services.
Une politique de transition écologique peut aussi avoir des effets indirects sur les services de santé. Le système de soin est aujourd’hui saturé, à tel point que les territoires rivalisent d’inventivité pour attirer des professionnels de santé, et notamment des médecins généralistes. Or, ces derniers, sont de plus en plus sensibles à la politique globale de la collectivité pour choisir leur lieu d’installation. Une population en meilleure santé, c’est une aussi un système local de santé moins sollicité.
C. Des logements de qualité
Le logement concentre aujourd’hui des enjeux sociaux et sanitaires très forts. Des passoires énergétiques qui plongent près de 6 millions de Français dans la précarité et qui se transforment en bouilloires thermiques l’été, des copropriétés dégradées avec des logements insalubres, des enjeux de bruit, de qualité de l’air intérieur et d’adaptation au vieillissement de la population. Une population qui n’a pas de logement décent, c’est une population qui vit moins bien et qui risque de développer des pathologies, qui a plus de mal à étudier, qui a plus de mal à travailler…Face à l’ensemble de ces enjeux, la rénovation performante et planifiée apporte de nombreuses réponses. En effet, aujourd’hui, les conseillères et conseillers France Renov ainsi que la plupart des acteurs de la filière de la rénovation, dont les architectes, les bureaux d’études et les entreprises, sont formés et prêts à répondre aux demandes des habitants en termes de rénovation.

Des arguments pour l’économie, les entreprises et les commerçants aussi !
Soutenir une politique de transition écologique peut être aidant pour le tissu économique et les entreprises. De nombreuses entreprises sont d’ores et déjà engagées dans une transformation de leur modèle économique, afin de réduire leurs coûts (transports, énergie, …) et pérenniser l’accès à des ressources (eau notamment).
A titre d’exemple, l’économie circulaire est un modèle économique qui vise à optimiser l’utilisation des ressources en bouclant les cycles de vie des produits, ce qui réduit les déchets et les coûts de production. Des collectivités s’engagent dans cette politique, notamment via le programme Territoire Engagé Transition Écologique. Elles favorisent par exemple le partage des flux entre entreprises, certaines faisant leur matière première des déchets des autres. Elles encouragent, voire organisent, la création de boucles locales d’autoconsommation photovoltaïque, notamment dans les Zones d’Activité Économique.
De nombreuses collectivités accompagnent les entreprises du territoire dans leurs actions de transition écologique et de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) : audit pour la rénovation de leurs bâtiments (notamment ceux soumis au décret tertiaire), audit énergétique de leurs process, accompagnement pour comprendre les nouvelles réglementations RSE… Ces conseils prodigués via des acteurs experts comme les chambres consulaires ou des bureaux de conseil permettent de transformer des réglementations parfois perçues comme complexes en opportunités de transformation.
Pour les agriculteurs aussi, une politique de transition écologique est une opportunité. Ils peuvent par exemple bénéficier de mesures agro-environnementales et climatiques12 et surtout renforcer leur capacité à vendre leur production sur le territoire. Une collectivité qui s’engage dans un Projet Alimentaire Territorial13 (PAT) va organiser un dialogue entre l’ensemble des acteurs, des producteurs jusqu’aux consommateurs locaux. Elle permettra notamment aux agriculteurs de proposer leurs productions aux cantines locales.
La plupart des études sur le sujet montrent que des politiques favorables aux mobilités actives sont aussi une bonne affaire pour le commerce local. Une personne qui flâne à pied poussera en effet plus facilement la porte d’une échoppe par rapport à un conducteur.

Quels gains pour la collectivité et son territoire ? «Charité bien ordonnée commence par soi-même» !
Les investissements favorables à la transition écologique sont certes importants mais génèrent des retombées financières. A court terme, des mesures de sobriété, notamment dans les bâtiments ou l’éclairage publics, peuvent réduire drastiquement les factures. Il n’est pas rare de constater des baisses de consommation de 20 à 30% voire beaucoup plus selon le spécialiste de la sobriété Incub. L’engagement dans la transition écologique permet aussi de mobiliser de nombreux financements. A moyen et long termes, l’attractivité du territoire pour les habitants et les entreprises assure des recettes. Les gains sont aussi sur le volet assurantiel : si les catastrophes se répètent, les primes vont augmenter drastiquement14, donc il est économiquement rationnel de s’en prémunir.
La collectivité qui met en œuvre une politique résolue de transition écologique renforce manifestement son « attractivité ». C’est la conclusion d’une récente étude de la fédération des agences de développement économique15.
Enfin, une collectivité qui met en œuvre des actions fortes et cohérentes en matière de transition écologique est susceptible d’entraîner les acteurs locaux dans sa vision stratégique, puisqu’il est plus facile d’inciter les autres à agir quand on agit soi-même. L’exemplarité est une clé de la mobilisation locale.

Aller plus loin : Les ressources existent et sont très complètes!
Bon Pote : Les 12 excuses de l’inaction
Centre de ressource sur l’adaptation au changement climatique : https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/
Portail des risques naturels et technologiques : https://www.georisques.gouv.fr/
Réseau des villes santé : https://villes-sante.com/
Expé Urba Santé : https://experimentationsurbaines.ademe.fr/sante/projets/
Institut national de l’économie circulaire : https://institut-economie-circulaire.fr/economie-circulaire/
Portail du réseau national des Projets alimentaires territoriaux : https://france-pat.fr/
- La récente mission d’information sur l’adaptation de l’aménagement des territoires au changement climatique vient d’ailleurs de consacrer leur rôle central : https://www.banquedesterritoires.fr/adaptation-de-lamenagement-des-territoires-au-changement-climatique-la-mission-dediee-de-lassemblee?pk_kwd=2025-06-05
↩︎ - https://www.agam.org/wp-content/uploads/2020/07/Qualit%C3%A9-de-vie_web-2.pdf ↩︎
- https://www.anses.fr/fr/content/manque-d%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-exc%C3%A8s-de-s%C3%A9dentarit%C3%A9-une-priorit%C3%A9-de-sant%C3%A9-publique ↩︎
- https://www.ademe.fr/presse/communique-national/147-milliards-deuros-cest-le-cout-social-du-bruit-en-france-par-an/ ↩︎
- https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2021/pollution-de-l-air-ambiant-nouvelles-estimations-de-son-impact-sur-la-sante-des-francais ↩︎
- https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/articles/pollution-atmospherique-quels-sont-les-risques ↩︎
- https://presse.inserm.fr/obesite-et-surpoids-pres-dun-francais-sur-deux-concerne-etat-des-lieux-prevention-et-solutions-therapeutiques/66542/ ↩︎
- https://librairie.ademe.fr/urbanisme-territoires-et-sols/6709-urbanisme-favorable-a-la-sante-ufs-cahier-d-idees-9791029722479.html et https://www.innoverpourlatransitionecologique.fr/fr/challenges/expe-urba-sante ↩︎
- https://villes-sante.com/wp-content/uploads/2023/02/PVS-Nature-en-ville.pdf ↩︎
- https://www.nature.com/articles/s41612-020-0124-2 ↩︎
- https://www.lvmt.fr/les-mots-du-lvmt/chrono-urbanisme/ ↩︎
- https://agriculture.gouv.fr/maec-les-nouvelles-mesures-agro-environnementales-et-climatiques-de-la-pac ↩︎
- https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-quun-projet-alimentaire-territorial ↩︎
- Une enquête du Sénat a mis en lumière des dysfonctionnements du marché assurantiel, que les risques climatiques pourraient rendre plus aigus : https://www.senat.fr/fileadmin/Commissions/Finances/2023-2024/Essentiels/Essentiel_MI_Assurances_collectivites.pdf
↩︎ - « Au-delà des critères économiques traditionnels, la capacité à offrir un cadre de vie de qualité et à placer l’humain au centre des préoccupations est devenue primordiale pour attirer et retenir les talents et les entreprises. » https://cner-france.com/nos-publications/evolution-des-facteurs-dattractivite-le-point-de-vue-des-agences-dattractivite/ ↩︎