EN RÉSUMÉ :
La transition écologique nécessite des compétences nouvelles pour transformer ses pratiques. Mais quelles compétences ? Il convient de commencer par se poser la question des objectifs recherchés qui orienteront le besoin d’expertise (1). Un diagnostic est ensuite nécessaire afin d’identifier les compétences en interne ou disponibles chez ses partenaires (2) La fiche évoque aussi quelques conditions de réussite pour articuler ces ingénieries et compétences (3).
Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux de sujet ?
Si la transition écologique est parfois partout, il ne faut pas oublier qu’elle induit de déployer des compétences nouvelles et des expertises inédites. L’absence de maîtrise de ces sujets en interne, peut conduire à des résultats pires que si la collectivité n’avait rien fait. Sur les politiques d’adaptation au changement climatique par exemple, les situations de mal-adaptation sont nombreuses, combinant erreurs de diagnostics, mauvais choix et méconnaissance des solutions optimales. Le recrutement de ces compétences en interne nous semble essentiel pour conduire le changement dans les organisations.

Se poser la question des objectifs : de quoi ai-je besoin?
La première étape consiste à lister les compétences utiles pour le développement de la transition écologique dans la collectivité, afin de bien cerner son besoin. Cette liste de compétences peut s’appuyer sur les grandes orientations stratégiques de la collectivité ou bien sur les travaux régionaux des COP régionales1 qui permettent d’identifier les grands chantiers et de les prioriser. On peut considérer qu’il existe trois grandes familles de compétences indispensables et complémentaires pour mener une politique de transition écologique.
a) L’expertise technique
Il faut avoir des agents en mesure de maîtriser les sujets énergétiques, la connaissance des filières et des matériaux, des aspects scientifiques et même systémiques de l’écologie, etc. Dans ce cas, vous devrez aller chercher des agents disposant d’une expertise-métier dans les domaines de la transition écologique :
- des domaines techniques : énergéticien, spécialiste de la biodiversité, expert en réseau de chaleur, économe de flux, expert carbone, expert en matière de mobilité…
- des domaines opérationnels : jardinier-médiateur, gestionnaire de l’eau, mécanicien, expert en réemploi, chargé de mission en économie circulaire…
- des domaines “ressources” : chargé de commande publique maîtrisant le SPASER ou les clauses environnementales, responsable du budget maîtrisant le budget vert, responsable des ressources humaines maîtrisant les enjeux de GPEC climatique ou de plans de formation allant vers la transition écologique, recherche de financements …
b) Les compétences méthodologiques :
La transition écologique implique de renforcer la coordination entre les projets et la coopération entre les acteurs. Cela rend certaines compétences indispensables : animation, coopération, participation citoyenne, gestion de projet, animation de réseaux, etc. La formation des managers est ici déterminante, afin de s’approprier des démarches telles que le mode projet, la co-construction, la prise d’initiative, la capacité d’animer des réseaux et la capacité d’expérimenter.
c) Les compétences managériales :
Enfin, la transition écologique étant par nature systémique, elle exige d’être portée par les décisionnaires. Les compétences clés sont donc la conduite du changement, la capacité à y donner du sens, la capacité à assurer la redirection des missions, la communication et la mise en récit, etc. Ici, apparaît le besoin de s’assurer que l’approche nouvelle soit portée au sommet de l’administration, par la direction générale (DG) et toute l’équipe d’encadrement. Ce rôle de chef d’orchestre est absolument nécessaire à la réussite de tout projet de transition. Un chef de projet dédié placé au sein de la DG pour animer au quotidien peut-être un facteur clé de réussite.

Avant de recruter, faire l’inventaire des compétences en interne et de ses alliés
a) Le diagnostic interne permet d’identifier le réservoir de compétences
Ce diagnostic interne des compétences disponibles permet de se repérer où sont les manques et les besoins. Pour assurer ce diagnostic, la direction générale des services et la DRH jouent un rôle déterminant. Une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences (Gepec) est un outil très utile pour les collectivités ayant des effectifs importants. Il est tout à fait possible de mener ce diagnostic à partir de deux démarches simples :
- A l’échelle d’un service, en listant collectivement les domaines de force et de faiblesse de la transition écologique dans la politique publique travaillée ;
- A l’échelle individuelle, via un auto-diagnostic de ses compétences et de ses besoins, qui peut être complété par une analyse managériale des compétences via les entretiens individuels annuels.
Il faudra ensuite déterminer si les compétences manquantes peuvent s’acquérir par la formation, la mobilité interne de certains agents ayant une expertise non valorisée au bon endroit, ou bien s’il sera nécessaire d’aller chercher ses compétences en recrutant, et dans ce cas, quel type de métier précisément.
b) Certains programmes permettent de se doter d’une ingénierie internalisée pour un temps donné (souvent 3 ans).
Plusieurs programmes de l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires (Anct) permettent de financer de l’ingénierie pour les communes lauréates.
- Action coeur de ville : ce programme a été le fer de lance de l’action de l’Anct sur la revitalisation des centres villes des villes préfectures. Il a permis de financer des chefs de projets et des managers de commerce. S’achevant en 2026, son avenir reste à écrire.
- Petites Villes de Demain : ce programme est en quelque sorte la déclinaison d’action cœur de ville pour les communes de moins de 20 000 habitants. Il offre un accompagnement complet pour la réalisation de projets de territoire structurants et permet notamment de financer un poste de chef de projet. S’achevant en 2026, son avenir reste à écrire.
- Villages d’avenir : lancé en décembre 2023, dans le cadre du plan France ruralités, ce programme vise les communes rurales au sens de l’INSEE et de moins de 3 500 habitants dans la réalisation de leurs projets de développement. 120 chefs de projets ont été recrutés à partir de janvier 2024, soit 1 à 2 par département, et placés au plus près des équipes d’accompagnement en préfecture, sous-préfecture et directions départementales des territoires (DDT). Les communes lauréates disposent ainsi d’un interlocuteur identifié en appui pour faire avancer leurs projets auprès de l’ensemble des partenaires, publics comme privés.
- D’autres programmes permettent de financer un chef de projet ou d’accéder à de l’ingénierie : Territoires d’industrie, Avenir montagnes, le dispositif des volontaires territoriaux en administration.
- Conseiller en Energie Partagé ou Econome de Flux : ils ont la même mission mais le premier est piloté par l’ADEME et le deuxième par la FNCCR2 via le programme ACTEE. C’est généralement l’intercommunalité qui fait la demande et le conseiller intervient ensuite pour elle l’ensemble des communes. Il diagnostique les bâtiments communaux (et l’éclairage public), fait des préconisations et suit leurs consommations d’énergie.
- La mesure ingénierie du fonds vert permet notamment le cofinancement de postes d’animateurs ou chefs de projet contractuels3. Il s’agit d’un dispositif de droit commun qui doit faire l’objet d’un dépôt de dossier auprès du préfet de département.
- Le programme Territoire engagé transition écologique (TETE) de l’ADEME financer indirectement un chargé de mission4.
c) Le dialogue avec les partenaires externes permet de s’adjoindre des compétences
- D’abord s’appuyer sur des acteurs qui ne “coûtent rien” : les partenaires publics : l’intercommunalité, la Direction Départementale des territoires et les différents syndicats auxquels on a délégué ou transféré des compétences (énergie, déchets, eau, GEMAPI, etc.).
- Certains territoires sont inclus dans un PNR (Parc Naturel Régional), un SCOT, un pays/PETR ou un syndicat regroupant plusieurs EPCI, il est alors recommandé de les solliciter également : ce sont souvent des experts en matière de recherche de financements et d’accompagnement pour la transition écologique.
- Les délégations territoriales de l’ANCT en département réalisent et mettent à disposition des cartographies des acteurs de l’ingénierie disponibles sur le territoire. Elles sont joignables notamment via une adresse générique ingenierie@departement.gouv.fr (à adapter selon le département). Lorsque la collectivité n’a pas trouvé de solution locale d’ingénierie, l’ANCT peut intervenir en mobilisant un marché d’ingénierie national qu’elle pilote pour faire intervenir des prestataires spécialisés sur le thème. Il faut d’abord solliciter sa préfecture via l’adresse dédiée pour pouvoir bénéficier de ce dispositif.
- On peut ensuite élargir en sollicitant directement la direction régionale de l’ADEME et l’antenne locale du CEREMA et de la Banque des Territoires, ou encore la DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).
- Au niveau local, de nombreux acteurs para-publics ou associatifs existent certainement sur votre territoire: les Conseil Architecture Urbanisme Environnement (CAUE), les agences d’urbanisme ou les agences d’ingénierie départementales (ou agences techniques départementales).
- Pour le recours à une expertise très pointue et ponctuelle recruter en interne n’est pas une solution raisonnable. Le recours à des cabinets spécialisés s’impose (voir fiche dédiée).

L’enjeu de bien articuler toutes les solutions d’ingénierie mobilisées
- Prioriser le recrutement de nouvelles compétences pour permettre le changement.
- Si les moyens sont restreints, il est recommandé de recruter un spécialiste de la méthode, par exemple sur un poste de chargé de mission transition écologique directement rattaché à la direction générale. Il s’agira surtout de faire le lien, de suivre l’ensemble des projets et de faire infuser dans l’administration une nouvelle approche.
- Bien souvent, il est aussi nécessaire de recruter des agents de catégorie A ayant les capacités managériales de porter les projets et d’accompagner les élus dans ce cadre.
- Il est toujours possible d’essayer de mutualiser des expertises.
- Enfin, avec des moyens plus étendus, il est, et surtout pour le remplacement d’agents qui quittent la collectivité, il est très utile de repenser les fiches de postes pour y inclure une exigence de compétence technique utile de constituer une équipe ayant des compétences complémentaires : chargé de mission carbone, chargé de mission énergie, chargé de mission biodiversité, chargé de mission risques, etc. Un levier complémentaire est de repenser les entretiens de recrutement afin pour chaque candidat de déceler des compétences dans le domaine des transitions qui pourront ensuite être utiles.
- Former en interne pour accompagner le changement. La formation est essentielle dans le temps pour s’assurer de la pleine adhésion des agents au projet de transformation écologique. Cette action sera d’autant plus efficace que les nouveaux arrivants pourront être un relais puissant tant en devenant formateurs internes qu’en participant aux projets de service. Aussi recruter en externe va de pair avec la constitution d’un plan de formation afin d’outiller et accompagner tous les agents dans ces changements.
- Limiter le recours aux prestataires et partenaires aux besoins d’une expertise ponctuelle et spécialisée. Recourir à une expertise spécialisée peut permettre de faire aboutir de manière très concrète les projets. Toutefois, l’action des prestataires et partenaires ne pourra que modestement transformer la collectivité. De plus, il faut garder à l’esprit que l’efficacité des partenaires et prestataires est conditionnée par l’existence d’interlocuteurs en interne capables de les orienter, de les guider, et surtout de les appuyer. L’acquisition de compétences méthodologiques et managériales en interne paraît à ce titre un préalable important pour savoir utiliser à leur plein potentiel les partenaires et prestataires.
Il convient de noter que le management de ces compétences est une la clé de leur efficacité (voir fiche manager par la transition écologique)

Aller plus loin : Les ressources existent et sont très complètes!
Le Sénat a rédigé un rapport particulièrement documenté pour aider les collectivités à se doter des compétences pour la transition écologique en fournissant, dans l’annexe 6 plusieurs fiches de postes, prêtes à l’emploi : https://www.senat.fr/rap/r23-087/r23-0874.html#toc155
- inspirées des Conferences of the Parties (COP) réunissant les États parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les COP régionales visent à définir au sein d’une région les leviers d’actions permettant d’atteindre les objectifs nationaux de réduction de GES et de protection de la biodiversité. Cliquer ici ↩︎
- https://www.fnccr.asso.fr/article/actee-vers-un-elargissement-de-lenvergure-politique-du-programme/ ↩︎
- https://monespacecollectivite.incubateur.anct.gouv.fr/ressource/409/ ↩︎
- http://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/territoire-engage-transition-ecologique ↩︎