EN RÉSUMÉ :
Dès 2020 les Contrats pour la Réussite de la Transition Écologique (CRTE) étaient présentés comme l’outil privilégié de planification pluriannuelle entre le bloc communal et l’Etat, notamment dans une perspective de transition écologique (1). Ils ont été beaucoup critiqués notamment par les élus locaux (2). Afin de dépasser ces critiques, il est possible de mentionner quelques bonnes pratiques pour faire du CRTE un outil utile et pertinent (3).
Pourquoi est-ce important : quels sont les enjeux territoriaux du sujet ?
Dans un contexte d’accroissement du déficit des administrations publiques, d’un besoin fort d’investissement local pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, disposer d’outil de priorisation, de planification et de convergence entre Etat et collectivité est pertinent.

Du Contrat de Relance au Contrat pour la Réussite de la Transition Écologique
A. Le CRTE a d’abord été créé pour faire atterrir le Plan France Relance (2020)
Les CRTE ont été lancés en novembre 2020. Pilotés par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ils s’inscrivaient dans une triple ambition : la transition écologique, le développement économique et la cohésion territoriale. Destinés à tous les territoires (rural, urbain, ultra marin), les CRTE avaient vocation à participer activement à la réussite du plan France Relance à court terme. À plus long terme, ces contrats visent à accompagner, sur la durée du mandat municipal, la concrétisation du projet de territoire. Ils visent également à unifier le paysage contractuel puisque les CRTE ont vocation à être un contrat intégrateur, regroupant à terme tous les contrats entre les collectivités et l’Etat.
B. Tous les territoires ont rapidement été couverts par des CRTE
Tous les territoires se sont donc vus proposer l’élaboration d’un CRTE d’ici fin juin 2021. Désormais quasiment tous les territoires sont couverts par des CRTE.
C. En 2023, les CRTE sont rebaptisés « Contrats pour la réussite de la transition écologique »
Ils sont désormais le cadre de référence du dialogue entre l’État et les collectivités à l’échelle des bassins de vie. Ils mettent en œuvre le projet de territoire en cohérence avec les priorités de la planification écologique territorialisées à travers les « conférences des parties » (COP) régionales (voir la fiche “Pourquoi et comment Inscrire son action dans la COP régionale”)
Le CRTE accompagne la mise en œuvre par les collectivités des orientations stratégiques retenues à l’échelle d’un bassin de vie sur la durée des mandats municipaux (6 ans) grâce à un engagement pluriannuel de l’État. Le CRTE est ainsi devenu la « fabrique à projets » des territoires pour notamment contribuer aux objectifs et leviers de planification écologique collectivement choisis lors de la COP territoriale et adaptés aux enjeux locaux.
Ils ont trois fonctions principales1 :
- Organiser l’action publique locale autour d’un projet de territoire. Ils sont le cadre dans lequel l’État et les collectivités définissent conjointement les priorités de l’action publique à l’échelle du territoire. ;
- Accélérer la transition écologique, en particulier dans le cadre de la territorialisation de la planification écologique ;
- Identifier les projets locaux nécessitant un appui financier et/ou en ingénierie.

Les CRTE ont été beaucoup critiqués
A. Elaborés à la va vite ou démarche de fond inédite ?
Destinés à permettre d’orienter les financements de France relance, l’Etat a empressé les acteurs locaux de signer des CRTE. Parfois, cet empressement a été source de précipitation et de travail superficiel.
⇒ Cependant, dans des territoires, les élus et l’Etat local ont profité de cette opportunité pour construire des projets de territoire tenant compte des réalités écologiques, ce qui pouvait constituer des démarches inédites et fondatrices. D’un territoire à l’autre, le travail de fond a été plus ou moins bien fait.
B. Liste à la Prévert de projets divers ou priorisation des projets à impact durable ?
Le CRTE est conçu comme un outil porté au niveau intercommunal sur la base des projets communaux. Dans des territoires, intercommunalités et services de l’Etat ont surtout cherché à ne froisser personne. Le CRTE est alors une compilation disparate des programmes d’investissements locaux : une liste à la Prévert… Le CRTE peut alors inclure des projets divers et peu cohérents les uns avec les autres comme le développement économique, la rénovation énergétique, l’aménagement du territoire, le développement culturel et/ou touristique, la réduction de l’insécurité, etc.
⇒ Dans d’autres territoires, le travail de priorisation, de réflexion sur un avenir commun ou les problématiques écologiques seront encore plus prégnantes a été fait. Les communes ont alors mis en commun leurs projets propres : peut-être sur cet EPCI, il serait pertinent d’arrêter deux projets concurrents de piscine pour n’en faire qu’une intercommunale par exemple …
C. Un contrat mais sans financement pour le réaliser
Aucun financement particulier ou nouveau est accroché au CRTE. De sorte que la collectivité qui a signé un CRTE devra élaborer ses demandes de subvention auprès de l’Etat comme les années précédent le CRTE… Un projet inscrit dans un CRTE n’a pas plus de chance d’être financé qu’un projet porté hors CRTE. De même, les inégalités d’accès à l’ingénierie n’ont pas été réduites, les territoires les mieux subventionnés restant ceux dont le potentiel financier est le plus élevé, sans que cette contractualisation ne change l’attribution des fonds à la main des préfets.
D. Un contrat qui ne rend pas plus lisible l’action de l’Etat
L’Inspection Générale des Finances signale dans un rapport de 2023 que ce dispositif n’a pas su rendre plus lisible l’action de l’Etat, en ce que les administrations déconcentrées et opérateurs nationaux ne s’en emparent pas, pas plus que les Régions et les Départements.

Des bonnes pratiques pour réussir son CRTE
Il est relativement aisé de faire du CRTE un document de planification supplémentaire dans le mille-feuille des documents existants, qui reprend peu ou prou leur périmètre sans y apporter autre chose que la satisfaction d’avoir respecté une obligation réglementaire. Pourtant le CRTE, de par son recentrage vers la transition écologique en lien avec les projets communaux a le potentiel pour être bien plus que cela.
A. Elaborés à la va vite ou démarche de fond inédite ?
⇒ Son élaboration doit ainsi être soignée pour dépasser l’inventaire des projets locaux et lui donner l’ampleur d’une véritable feuille de route à l’échelle territoriale.
Cela implique de :
- Se concentrer sur les projets à fort impact environnemental pour éviter un effet catalogue
- Faire un diagnostic de qualité (qui intègre l’analyse ex ante des projets avant de les mettre en oeuvre) et le partager ;
- Prendre le temps d’une montée en compétence des communes et intercommunalités ;
- Partir d’un diagnostic de territoire au niveau écologique de qualité, actualisé, réalisé par une structure spécialisée ;
- Travailler à une vision politique du projet de territoire intégrant la planification écologique ;
- Penser des outils de pilotage fins permettant de mieux prioriser les investissements, de mieux les évaluer et d’anticiper le financement pluriannuel de ces projets.
B. Liste à la Prévert de projets divers ou priorisation des projets à impact durable ?
- La CC du Doubs Baumois a ainsi élaboré avec le soutien du CEREMA un diagnostic de territoire global associant les dimensions des divers outils de planification. Ce rapport a été présenté à travers des ateliers participatifs dédiés dans un premier temps aux élus communautaires, puis dans un second temps aux acteurs de la société civile (et habitants volontaires). Ce double travail de concertation a permis d’élaborer des thématiques et idées d’action pour le CRTE collant mieux aux aspirations locales. (Retex)
- Le Schéma de cohérence territoriale du Pays Basque et Seignanx a établi un diagnostic orienté résilience du territoire en deux temps. D’abord ses membres ont défini les enjeux du territoire au regard du changement climatique et de la disponibilité des ressources à travers notamment une approche “forces, faiblesses, opportunités et menaces” qui, transposée en cartes, a permis de définir des chaînes d’impacts similaires à un jeu sérieux de type fresque. Dans un second temps, les participants ont été invités à imaginer leur vision d’un territoire résilient d’ici 2040. L’usage de la boussole de la résilience, outil développé par le CEREMA, a permis de creuser les axes stratégiques sur les 6 dimensions de la résilience pour obtenir des actions concrètes à 5,10 et 20 ans, qui peuvent nourrir le CRTE et renforcer sa dimension environnementale. (Retex)
- La communauté de communes d’Aunis Atlantique a souhaité faire de la transition écologique le fil conducteur de son projet de territoire, le CRTE devenant ainsi sa transcription opérationnelle. De manière assez logique, les 4 axes de ces deux documents ont repris ceux déjà définis dans le Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET), tout en incluant des projets issus de partenaires institutionnels (PNR) ou privés (filières professionnelles) et des communes. En superposant PCAET, Projet de Territoire et CRTE, ces trois documents étant élaborés pour 6 ans, l’intercommunalité a ainsi associé volonté politique, planification écologique et contractualisation dans le même temps, gagnant en temps et en facilité de passage à l’acte, les comités de pilotage pouvant de ce fait être réalisés en même temps. (Retex)
- Le Pôle d’équilibre du Coeur de Lorraine regroupe 4 intercommunalités rurales et porte différents documents stratégiques (Projets alimentaires territoriaux, Contrats locaux de santé, Territoires à énergies positives, Projet de territoire et CRTE). Pour mieux prioriser ses actions, il a choisi d’utiliser une double grille d’analyse. Dans un premier temps, avec la grille issue de la norme ISO 37101, les élus ont pu faire se croiser leurs projets entre les finalités et les compétences, chaque intersection identifiant le nombre d’objectifs opérationnels. Dans un second temps, grâce à l’outil du Budget Vert, ils ont évalué la contribution de ces projets aux différents volets (CO2, biodiversité, eau, déchets, adaptation, etc.) de manière à déterminer quels objectifs opérationnels étaient les plus efficaces pour le CRTE. (Retex)

- Le manque de suivi et d’évaluation des CRTE, voire d’indicateurs cohérents, fait partie des critiques exprimées par l’IGF en 2023. Dès l’élaboration de son CRTE, la Communauté d’Agglomération de Lannion-Tregor a repris le tableau de bord de son PCAET pour le transposer au CRTE, de manière à faire coïncider les indicateurs tout en leur donnant du sens. Cela facilite le suivi des trajectoires thématiques et de mieux communiquer sur les actions mises en œuvre par les collectivités auprès des habitants et des autres acteurs. (Retex)
La mise en œuvre dans la Loi de Finances 2025 du Fonds Vert dédié au financement des PCAET représente une opportunité pour approfondir la dynamique partenariale et solidaire au niveau intercommunal. Ce nouveau volet prévoit en effet que les fonds ne puissent être utilisés que des pour des actions inscrites dans le Plan Climat Air Énergie Territorial, peu importe qui porte l’action. Ainsi, si une commune a prévu une action compatible avec ce document, elle peut être éligible à un financement même si elle a déjà obtenu un concours de l’État par ailleurs. Cela permettrait de soutenir des communes qui manquent de moyens pour chercher des subventions, et pour lesquelles l’intercommunalité peut mettre à disposition ce fonds.

Aller plus loin : Les ressources existent et sont très complètes!
Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (2022), CRTE : les premiers effets produits, retour d’expérience de dix territoires
IGDD, IGF, IGA, IGAS (2022) : Bilan d’étape des contrats de relance et de transition écologique
- https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/contrats-reussite-transition-ecologique-crte ↩︎
