Auteur/organisation : Sénat

Sous-onglet : Vie démocratique et institutionnelle / Rapports

 

 


Résumé : 

Héritières des 44 000 paroisses d’avant 1789, les quelque 35 000 communes de France ont, de longue date, choisi de s’organiser pour conduire ensemble des projets qui répondent aux attentes des habitants. De cette organisation librement consentie par les élus des communes concernées, la coopération intercommunale a franchi une nouvelle étape, au tournant des années 2010 avec les lois Maptam et NOTRe.

La France compte désormais 1 254 EPCI à fiscalité propre et l’émergence de communautés de communes ou d’agglomération « XXL » a constitué l’aboutissement le plus emblématique de cette nouvelle politique des territoires.

En 2020, pour la première fois, les élections municipales ont été organisées sous l’architecture territoriale des EPCI mis en place en application de la loi NOTRe. Le scrutin de mars 2026 marquera une nouvelle étape de l’application de cette loi. Avec cette échéance en ligne de mire, le Sénat a décidé de mener un bilan de l’intercommunalité, de sorte de pouvoir formuler des recommandations qui permettent de faciliter le fonctionnement des structures intercommunales et d’accroître la lisibilité de l’action publique.

Créée à l’initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, la mission d’information, forte de 23 membres appartenant à tous les groupes politiques du Sénat, a mené ses travaux d’avril à septembre 2025. En 24 heures d’auditions, elle a entendu 34 élus, représentants d’associations et experts. 

Le rapport souligne qu’en matière d’organisation territoriale, nul, aujourd’hui, ne demande ni même n’évoque un retour à la situation antérieure aux lois Maptam et NOTRe. Il développe la conviction partagée que les intercommunalités issues de la loi NOTRe n’ont pas encore atteint leur vitesse de croisière et sont aujourd’hui à la croisée des chemins. C’est pourquoi ils formulent un ensemble de 20 recommandations de nature à remettre les élus au cœur de la définition du projet politique et du fonctionnement des intercommunalités.

Les auteurs du rapport insistent sur un sentiment persistant de dépossession chez les élus locaux, le regret d’une gouvernance souvent jugée trop descendante et une appropriation inégale des compétences transférées. Ce constat appelle à un réajustement stratégique du cadre intercommunal : il ne s’agit pas de revenir en arrière, mais de faire évoluer le système vers davantage de souplesse, de concertation et de confiance mutuelle.

Après une décennie de bouleversements, les intercommunalités nées de la mise en œuvre des lois Maptam et NOTRe doivent encore s’ancrer dans la réalité territoriale, ce qui exclut tout nouveau big bang territorial. En revanche, des ajustements à la marge de la carte intercommunale doivent rester possibles, notamment pour répondre aux situations manifestement dysfonctionnelles. Ce rééquilibrage territorial doit être conçu dans une logique de dialogue et d’adaptation au terrain et non plus de mise sous contrainte voire de conflit ouvert.

Dans cette perspective, la différenciation territoriale, mise en avant avec les lois « engagement et proximité » et « 3DS », constitue un levier central. Face à la diversité des réalités locales, il est essentiel de permettre des configurations institutionnelles souples : développement des communes nouvelles, expérimentation des communes-communautés, renforcement des logiques de mutualisation volontaire. 

La qualité de la gouvernance intercommunale est un facteur déterminant pour faire vivre ce pacte de confiance. Les travaux de la mission ont montré que celle-ci n’était pas nécessairement corrélée au niveau de richesse de la structure intercommunale mais tenait davantage à la volonté des élus de définir de concert un véritable projet de territoire et à y impliquer l’ensemble des communes la composant. C’est pourquoi la mission appelle tous les élus à construire une communauté de projet, mobilisant l’ensemble des acteurs politiques, administratifs et citoyens.

Sur le plan financier, l’environnement actuel ne plaide pas en faveur d’une politique d’incitation plus déterminée, alors que les évolutions de la répartition des compétences ont mis en tension les équilibres financiers internes aux intercommunalités. Pour autant, la mission estime que des ajustements sont possibles et que les outils existants – DSC, FPIC, fonds de concours – pourraient être utilisés de manière plus stratégique, au service de la solidarité et du développement équilibré des territoires.

Au-delà des instruments de nature financière, la mutualisation demeure une raison d’être majeure de l’intercommunalité. Or, elle reste sous-exploitée. L’instauration systématique de schémas de mutualisation, la création de services communs à l’échelle communautaire, et l’accompagnement des petites communes sont autant de leviers pour réduire les fragilités administratives tout en augmentant la qualité des services publics locaux.

Le rapport n’appelle pas à un grand soir institutionnel. Mais il propose une nouvelle étape, moins tournée vers des évolutions juridiques que de nature partenariale, pour faire de l’intercommunalité un cadre réellement choisi, adapté et utile aux communes qui la composent. L’intercommunalité ne peut être ni une « super commune » technocratique, ni une coquille vide. Tous les élus, qu’ils soient issus de la commune centre ou des plus petites d’entre elles, doivent pouvoir trouver leur place au sein d’une véritable instance de coordination, de mutualisation et d’impulsion territoriale, au service des habitants.

Pour cela, la mission appelle à fonder un nouveau pacte intercommunal, articulé autour de trois principes clairs : subsidiarité : (ne transférer que ce qui peut vraiment être mieux exercé à une autre échelle), respect de la liberté communale (garantir aux communes les marges de manoeuvre indispensables à leur identité et à leur responsabilité démocratique) et solidarité territoriale. C’est à cette condition, conclue le rapport, que l’intercommunalité – porteuse de services aux habitants – retrouvera sa légitimité fondatrice : être non pas subie, mais mise au service d’une action publique locale plus forte parce que partagée et concertée.


 

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